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LÉON TOLSTOÏ

saisit d’une main et de l’autre prit un rasoir préparé dans l’intention de lui couper la langue. Une lutte s’engagea entre eux, elle parvint enfin à lui échapper et se mit à crier. Des gens accoururent ; on l’arrêta et l’emmena. Dès lors sa folie fut nettement reconnue et on l’enferma dans une maison d’aliénés où il vécut longtemps, n’ayant plus aucun rapport avec ma tante.

« Peu après cet événement on transporta ma tante dans sa maison paternelle, à Pétersbourg, et ce fut là qu’elle mit au monde un enfant mort-né. Craignant qu’elle n’en fût trop affectée, on lui laissa croire que son enfant était vivant et on lui substitua l’enfant d’un cuisinier de la Cour, une petite fille née le même jour.

« Cette fillette, Pachenka, qui fut élevée chez nous, était déjà assez âgée à l’époque où remontent mes souvenirs.

« J’ignore quand on révéla à Pachenka l’histoire de sa naissance, mais quand je l’ai connue elle savait déjà qu’elle n’était pas la fille de ma tante.

« Ma tante Alexandra Ilinichna, après ce qui lui arriva, vécut chez ses parents, ensuite chez mon père, et à la mort de mon père elle fut notre tutrice. Elle mourut au couvent Optine, quand je n’avais encore que douze ans.

« Cette tante était une femme vraiment religieuse. Ses occupations favorites étaient la lecture de la vie des saints, les causeries avec les pèlerins, avec les innocents, les moines, les nonnes, dont quel-