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LÉON TOLSTOÏ

n’est pas possible d’assigner d’ordre chronologique, comme à la plupart des récits de sa tendre enfance. Néanmoins, il serait regrettable de les omettre, puisqu’ils donnent encore quelques traits précieux sur le caractère de sa vie d’enfant.

« Un souvenir d’enfance sur un événement infime, m’a raconté Tolstoï lui-même, m’a laissé une très forte impression : Je me rappelle qu’une fois, dans notre chambre d’enfant, en haut, était assis Témiachev. Il causait avec Féodor Ivanovitch. Je ne me rappelle pas à quel propos, mais il était question de l’observance des jeûnes, et Témiachev, ce bon Témiachev, dit très naturellement : « Mon cuisinier (ou le valet, je ne me souviens pas) a mangé de la viande pendant le carême ; je l’ai fait enrôler. » Je me rappelle ce cas, qui me parut quelque chose d’étrange et d’incompréhensible.

« Un autre souvenir mémorable, ce fut l’arrivée de Pierre Ivanovitch Tolstoï, le père de Valérien, mari de ma sœur, qui venait au salon en robe de chambre. Nous ne comprenions pas pourquoi il en usait ainsi, nous avons appris ensuite qu’il était alors dans la dernière période de la phtisie. Encore un autre événement fut l’arrivée de son frère, le célèbre Américain, Féodor Tolstoï. Je me souviens qu’il arriva en voiture de poste ; il entra dans le cabinet de mon père et demanda un pain particulier français ; il ne mangeait pas l’autre. Ce jour-là mon frère Serge avait un affreux mal de dents. Ayant appris cela il déclara qu’il pouvait faire