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LÉON TOLSTOÏ

choses… Les Isléniev, qui venaient de quarante verstes, s’étaient arrêtés dans le village pour se déguiser. En entrant au salon, Isléniev s’assit au piano et chanta des vers composés par lui, sur un motif que je me rappelle encore. Voici ces vers :

« Nous sommes venus ici vous féliciter pour la nouvelle année. Si nous parvenons à vous amuser nous en serons charmés. »

« Tout cela nous semblait extraordinaire, et probablement que les grandes personnes y prenaient aussi du plaisir. Mais le mieux pour nous, les enfants, c’étaient les domestiques. Ces divertissements avaient lieu les premiers jours de Noël, et la veille du nouvel an, parfois aussi, après, jusqu’à l’Épiphanie. Mais, après le nouvel an, il y avait déjà moins de monde, et les jeux manquaient d’entrain.

« Vassili partit à Tcherbatchevka un de ces jours de fête. Je me rappelle que nous étions assis en rond, au coin du salon, sur des chaises de bois à sièges de cuir faites à la maison ; le salon était à peine éclairé et nous jouions au « rouble ». L’un marchait et devait trouver un rouble que les autres faisaient circuler de main en main en chantant : « Le rouble court ! le rouble court ! » Je me rappelle qu’une des domestiques chantait ces paroles d’une voix particulièrement agréable. Tout d’un coup la porte de l’office s’ouvrit et Vassili, boutonné différemment qu’à l’habitude, sans plateau ni vaisselle, passa dans le cabinet de mon