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VIE ET ŒUVRE

« Beaucoup d’eau a coulé depuis, beaucoup de souvenirs du passé ont perdu pour moi leur sens et sont devenus des rêves vagues, même le pèlerin Gricha a fini depuis longtemps son dernier voyage, mais l’impression qu’il produisit sur moi et le sentiment qu’il excita en moi ne sortiront jamais de ma mémoire.

« Ô grand chrétien Gricha ! Ta foi était si forte que tu sentais la proximité de Dieu ; ton amour si grand que les paroles coulaient d’elles-mêmes de tes lèvres, tu ne les contrôlais pas par la raison… Et quelle haute louange apportas-tu à sa magnificence quand, ne trouvant plus de paroles, tout en larmes, tu te prosternas sur le sol…[1]. »

N’avons-nous pas le droit d’appeler cet homme le premier maître de la foi populaire qui s’est emparée de l’âme de Tolstoï après ses recherches infructueuses dans les sentiers de la théologie, de la philosophie et des sciences positives, et que lui, à son tour, a éclairée par la lumière de sa raison, purifiée et fortifiée dans la lutte et les souffrances qui accompagnent inévitablement toutes les recherches de la vérité ?

Nous trouvons dans ses souvenirs quelques indications à ce propos :

« L’innocent Gricha est un personnage inventé, dit Léon Nikolaievitch. Il y avait quantité d’innocents divers dans notre maison, et moi — j’en suis

  1. L’Enfance, Œuvres complètes du comte L.-N. Tolstoï, tome i, pages 67-68.