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LÉON TOLSTOÏ

mais maintenant je ne puis me rappeler sans horreur comment je le lui ai refusé.

« J’étais déjà marié ; elle commençait à devenir faible ; une fois, dans sa chambre, en se détournant (elle était prête à pleurer), elle me dit « Voilà, mes chers amis, ma chambre est très bonne et vous fera besoin, et si j’y mourais, fit-elle d’une voix tremblante, le souvenir vous la rendrait désagréable, alors donnez-moi une autre chambre pour que je ne meure pas ici. » Telle elle était depuis mon enfance, alors que je ne pouvais encore comprendre…

« Sa chambre était ainsi disposée : au coin gauche un chiffonnier plein de bibelots n’ayant de valeur que pour elle. À droite, une armoire à icônes et une grande image du saint Sauveur, encadrée d’argent. Au milieu, le divan sur lequel elle dormait ; devant, une table ; à droite, la porte de la chambre de sa bonne.

« J’ai dit que la tante Tatiana Alexandrovna eut une très grande influence sur moi. Cette influence provint, premièrement de ce que, encore enfant, elle me fit connaître le plaisir moral d’aimer. Et elle ne me l’apprit point par des mots, mais par toute sa personne. J’ai vu, j’ai senti combien c’était bon pour elle d’aimer et j’ai compris le bonheur de l’amour ; deuxièmement : elle me fit comprendre le charme de la vie réfléchie et isolée[1]. »

  1. Des notes mises à ma disposition, en brouillon, et non corrigées. P.B.