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VIE ET ŒUVRE

ceinture cousue dans le dos qu’on mit sur moi me donna l’impression d’être retranché pour toujours de l’étage supérieur, et ici, pour la première fois, j’ai remarqué non tous ceux avec qui j’avais vécu en haut, mais la personne principale que je ne remarquais pas auparavant : ma tante, Tatiana Alexandrovna. Je me la rappelle : pas grande, forte, les cheveux noirs, bonne, tendre, compatissante. Elle me mit la robe de chambre en m’embrassant, attacha la ceinture, et je voyais qu’elle sentait la même chose que moi : que c’était triste, affreusement triste, mais qu’il le fallait. Pour la première fois je sentis que la vie n’est pas un jeu, mais une chose difficile. Sentirai-je la même chose quand viendra la mort ? Comprendrai-je que la mort, ou la vie future, n’est pas un jeu, mais une chose difficile ?[1] »

Sur cette tante Tatiana Alexandrovna, L.-N. Tolstoï, dans « ses Souvenirs », donne les renseignements suivants : « Après mon père et ma mère, la personne qui eut le plus d’influence sur ma vie, ce fut Tatiana Alexandrovna Ergolskï, notre tante, comme nous l’appelions. C’était une parente très éloignée, du côté de ma grand-mère. Elle et sa sœur, Lise, qui épousa le comte Pierre Ivanovitch Tolstoï, restèrent très jeunes, orphelines et pauvres. Il y avait encore quelques frères que les parents mirent quelque part. Quant aux fillettes, Tatiana

  1. Les Premiers Souvenirs (Des notes auto-biographiques inédites), Œuvres complètes de L.-N. Tolstoï. Édition russe, 10e édition, vol. xiii, p. 515.