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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

sept mois et est affreux avec sa barbe épaisse et sa crinière noire, courte et touffue, sur ses lourdes épaules. Il pousse des grognements bruyants comme ceux d’un cochon, et dépasse à la course les chevaux les plus rapides ; parfois il saute par-dessus la haute palissade du corral, et va téter cinq vaches dont il prend tout le lait.

L’épaisseur de la neige commençait à devenir sérieuse. Je suis sûre que Birdie tomba bien trente fois. Elle semblait incapable de se soutenir, et je fus obligée de descendre et de suivre, en trébuchant, dans la marque de ses pas. Pendant ce temps j’avais retrouvé mon courage, car je voyais une étendue de pays où je savais que South-Park devait être, et nous marchions à l’abri d’une colline qui nous préservait du soleil. Le chemin cessa brusquement ; ce n’était qu’un de ces sentiers de chasseurs qui, constamment, vous induisent en erreur. Ce fut un travail effroyable que de traverser la neige ; il y en avait deux pieds huit pouces, et nous avons fait, je crois, un mille en quelque chose comme deux heures. Nous sommes entrés une fois, Birdie jusqu’au dos et moi jusqu’aux épaules, dans une fondrière dont la surface était ridée comme le sable de la mer. À la fin, nous nous en sommes tirées. J’ai considéré avec un peu de tristesse le but de mon voyage, la Grande Divide, chaîne de neige, et entre elle et moi, South-Park, prairie ondulée de soixante-quinze milles de long, à plus de 10, 000  pieds d’altitude. Elle est fermée par les montagnes, n’a point d’arbres, mais l’abondance de ses herbages est si grande, que tous les troupeaux du Colorado pourraient, semble-t-il, y trouver leur pâ-