Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
VOYAGE D′UNE FEMME

agréable. La matinée était splendide, mais la lumière trop éblouissante, le soleil trop ardent. En sortant, je crus que j’allais tomber de cheval ; mon grand mouchoir me préservait le cou du soleil, mais l’esprit et les sens, le cerveau et la vue, étaient ébranlés par cette terrible chaleur, je n’ai jamais vu ni rien éprouvé de semblable. Je me trouvais à une hauteur de 12, 000  pieds, où, naturellement, l’air était si raréfié et la neige si pure et si étincelante, que j’étais obligée de fermer les yeux pour n’être pas aveuglée. Le ciel avait une couleur tout autre, mais terrible et farouche ; le soleil, lorsque je l’entrevis, blanc et sans éclat comme la lumière d’une boule de chaux, jetait cependant des scintillations méchantes. Les nausées, l’épuisement et les douleurs que je ressentais de la tête aux pieds me faisaient tellement souffrir, que j’avais envie de m’étendre sur la neige. Ce devait être, en partie, la première période du soroche ou maladie de montagnes. J’ai marché péniblement pendant quatre heures, entourée de neige et ne voyant qu’un océan de pics étincelants se détachant sur ce ciel d’un bleu furieux. Je ne saurai jamais comment j’ai trouvé le chemin, car les seules traces entrevues de temps à autre étaient l’empreinte de pas humains, et je n’avais pas les moyens de savoir s’ils me conduisaient dans la direction que je devais prendre. Avant que la neige fût aussi épaisse, j’avais passé près de la dernière retraite du magnifique bison des montagnes, mais n’avais vu, malheureusement, que des cornes et des ossements. Il y a deux mois, M. Link a réussi à séparer un veau du reste du troupeau, et l’a en partie domestiqué. Il a