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XXX OEUVRES DE M. DE BIRAN.


manifeste pour les autres comme pour lui-même, qu'un dissentiment profond le séparait désormais des hommes qu'il avait appelés ses maîtres. La question posée par l'Institut ne fut pas seulement pour lui une occasion favorable de faire connaître ses pensées. Cette question même paraît avoir influé directement sur la modification de ses doctrines. L'Institut demandait: «Comment doit-on décomposer la faculté de penser, et quelles sont les facultés élémentaires qu'il faut y reconnaître ? » Le problème posé était de déterminer les éléments dont l'intelligence est le résultat et la combinaison. Il ne suffisait donc plus, comme pour la question de l'habitude, de partir d'une doctrine reçue et d'en faire l'application à un cas particulier ; il fallait remonter à la source même de toute doctrine, aux éléments primitifs que la nature humaine livre à l'observation. Une fois entré dans cette voie, M. de Biran reconnut deux faits : le premier, que, dans le système de Condillac, toute décomposition vraie de la pensée était impossible; le second, que cette décomposition était possible, en partant de certaines bases qu'il avait énoncées clairement déjà, mais sous la condition que ces bases fussent dégagées des théories sensualistes auxquelles il avait cru pouvoir les agréger. Je vais le laisser parler lui-même en cherchant à résumer fidèlement sa pensée. Dans la doctrine de Condillac, la sensation est l'origine unique de nos facultés. Cette sensation se