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x OEUVRES DE M. DE BIRAN.

connaissance du mouvement général de la philosophie en Europe. Il ignorait vraisemblablement jusqu’au nom du chef de l’école écossaise et du grand métaphysicien de Kœnisberg, bien que Reid et Kant eussent commencé, depuis quelques années , leurs principales publications. Il lisait parfois Cicéron, il connaissait un peu Sénèque; mais ces classiques étaient plutôt à ses yeux des écrivains et des moralistes que des philosophes proprement dits. Condillac et son école étaient pour lui toute la philosophie. Comment s’en étonner, et que pouvait savoir de plus un garde-du-corps de Louis XVI, que la Révolution avait relégué dans la solitude ? M. de Biran d’ailleurs, quand il essaya, pour la première fois, de donner essor à sa pensée, ne devait connaître l’école sensualiste qu’en homme du monde qui a quelque lecture. Il ne part pas d’une doctrine étudiée et reçue. Solitaire, ayant le besoin de s’observer lui-même, et une merveilleuse aptitude à le faire, il rencontre la philosophie, il n’en part pas, comme fait l'homme qui était le disciple d’une école, avant de devenir un penseur indépendant. La source vive de ses idées est en lui, et il reçoit du dehors aussi peu qu'il est possible; il en fut ainsi jusqu'à la fin. Il trouve donc la philosophie sur son chemin, et il la trouve sous la forme de la doctrine de la sensation. Cette doctrine avait des affinités avec sa nature personnelle, avec l’action incessante qu'exerçaient les variations de la sensibilité sur une âme éminemment impressionnable. Il accepte donc la théorie régnante, et il n’y a qu’à feuilleter ses