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(avril 1257.) À cette époque le duc remplit à plusieurs reprises le rôle de médiateur, d’abord entre les comtes de Gueldre et de Clèves, puis entre le premier et l’évêque d’Utrecht. En 1258, il se rendit en Hollande pour y aider de ses conseils Aleyde, femme de Jean d’Avesnes, qui était devenue veuve, et exerçait les fonctions de tutrice du jeune comte Florent V ; mais il ne tarda pas à revenir en Brabant, afin, paraît-il, d’éviter les conflits qui pouvaient s’élever entre les gens de sa suite et les Hollandais.

Le duc Henri fut enlevé à la fleur de l’âge, le 28 février 1261. Etant au lit de mort, il scella, comme son père, une charte qui honore sa mémoire : elle ordonne que les Brabançons devront, en tous cas, être traités par jugement et sentence, et qu’en dehors de quelques cas exceptionnels on ne pourra exiger d’eux ni taille ni exaction. Le duc renonce à percevoir les dîmes novales, c’est-à-dire celles provenant de terrains nouvellement mis en culture, et à la propriété des " warechaix " ou terrains vagues, des wastines ou bruyères et des pâtures communes. Obéissant aux clameurs qui s’étaient élevées contre l’exercice de l’usure, il ordonne l’expulsion du pays des Cahorsins et des juifs. Son testament et un codicille que j’ai fait connaître et qui est daté du même jour, contiennent d’autres dispositions accidentelles ; nous n’en citerons qu’une, dont la teneur témoigne de sa libéralité : il ordonne de distribuer 1,000 livres à ses serviteurs et à ses pages, en témoignage de sa satisfaction pour les services qu’ils lui avaient rendus.

Le poète Adenez nous raconte, à la fin du poème de Cléomadès, les derniers moments du prince brabançon : « Il commanda lui-même, dit-il, à ceux qui étaient là de faire ouvrir les portes, afin que ceux qui le voudraient, riches ou pauvres, pussent parvenir jusqu’à lui. Beaucoup d’argent et de personnes étaient autour de son lit, et moi-même j’y fus. Je puis bien le dire, sans que l’on élève un doute à ce sujet, jamais un mourant n’obtint plus de louanges... » Les chroniqueurs ont confirme les assertions du trouvère. Le duc, dit Van Velthem, ne tolérait aucune discorde dans ses États et y maintenait la paix avec fermeté ; plus loin, il donne a Henri III les épithètes de courageux et d’aimable, de doux et de juste. Modeste comme une vierge, affirme A-Thymo, il était tellement doux qu’on ne l’appelait que le bon duc.

Grand ami des lettres, Henri était poète lui-même et nous a laissé quatre pièces de vers, où il est surtout question d’amour. C’était la poésie française qu’il cultivait et qu’il maniait avec grâce. Lié avec Guillaume de Dampierre, avec Gelibert ou Gilbert de Bernaville, le duc eut encore la gloire de servir de père à l’un des plus remarquables trouvères du xiiie siècle, celui qui fut de tous le plus fécond, Adenez, surnommé le Roi. C’est ce qu’attestent ces trois vers :

« Menestrés au bon duc Henri
« Fui ; cil m’aleva et nouri
« Et me fit mon mestier apprendre. »

La mort prématurée de Guillaume de Dampierre attrista la vie de notre duc ; il eut aussi à déplorer la perte de sa sœur Marie, que Louis, duc de Bavière, soupçonna à tort d’adultère et fit assassiner le 18 janvier 1256. Mais, en général, son règne fut prospère. Il jouit en paix de ses domaines, et les aurait augmentés du Boulonnais s’il avait pu réaliser la cession que lui en avaient faite ses tantes Marie, l’ex-impératrice (le 14 février 1259), et Aleyde, alors femme du seigneur de Wesemael (le 14 juin suivant). Ses contestations avec le chapitre de Nivelles, toujours procédurier, n’eurent jamais de conséquences graves. Les villes, dont les privilèges s’étendaient sans cesse, prenaient l’habitude de se confédérer, surtout afin de s’opposer aux efforts des gens de métier et en particulier des tisserands et des foulons ; leurs administrations, devenant de plus en plus aristocratiques, n’entendaient pas tolérer la convocation dans les cités d’un conseil commun ou de grandes assemblées populaires,