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avait traité avec dureté, se vit à la tête d’une ligue formidable et il fut même question de l’élever sur le trône, en haine d’un monarque généralement détesté.

Henri VI était en ce moment impliqué dans une autre affaire désagréable. Il avait entre les mains le roi Richard d’Angleterre, que le duc d’Autriche lui avait livré, et il aurait voulu le remettre à son ennemi mortel, le roi de France ; mais les princes de la basse Allemagne, dont les sujets entretenaient d’étroites relations avec l’Angleterre , s’opposèrent énergiquement à ce projet. Richard fut, en effet, mis en liberté, moyennant, il est vrai, une rançon excessive, et, au commencement de 1194, retourna dans ses États par Cologne, Aix-la-Chapelle, Louvain, Bruxelles, Anvers et l’Escaut. L’année précédente le roi Henri s’était réconcilié avec les ducs de Brabant et de Limbourg et avait fondé à Saint-Lambert, de Liège, deux prébendes sacerdotales, en expiation de la mort de l’évêque Albert.

Simon, fils du duc de Limbourg, fut élu pour succéder à ce prélat, mais le comte de Hainaut lui opposa un compétiteur, Albert de Réthel. La guerre se ralluma de toutes parts. Le comte Baudouin s’empara du château d’Enghien, mais ne réussit pas à emporter Nivelles, ses troupes ayant été subitement prises d’une terreur panique. Des trêves furent alors conclues ; sans en attendre l’expiration, les princes limbourgeois attaquèrent le comte de Hainaut à Noville-sur-Méhaigne et essuyèrent une défaite complète (le 1er août 1194). Mais vingt jours plus tard, Henri Ier et Baudouin se retrouvèrent à la tête de leurs armées, entre Lembecq et Hal, et là conclurent une alliance offensive et défensive, dans laquelle entra, l’année suivante, le jeune Baudouin, devenu comte de Flandre par la mort de sa mère, Marguerite, comtesse de Hainaut, sœur de Philippe d’Alsace. Dans le pays de Liège, où le comte de Hainaut avait fait reconnaître Albert de Rethel à Dînant et à Huy, le comte et Henri Ier convinrent de prendre chacun en séquestre une partie de l’évêché, en attendant que le saint-siège eût prononcé entre les deux compétiteurs au siège de Saint-Lambert.

La mort de Simon (1er août 1195), ayant laissé le champ libre à Albert de Rethel, la maison de Limbourg se brouilla avec le duc de Brabant ; mais celui-ci, renforcé par les comtes de Hainaut et de Flandre, ayant marché vers la Meuse, qu’il traversa à Maestricht, le duc de Limbourg et son allié, le comte de Gueldre, demandèrent la paix. À cette époque, Henri Ier obtint aussi, le 6 mars 1196, de Henri VI, devenu empereur, la confirmation de ses droits sur le Veluwe, qu’il tenait en fief de l’évêque d’Utrecht et que le comte de Gueldre, à son tour, relevait de lui.

Entraîné par l’enthousiasme religieux qui poussait les guerriers de l’Occident vers la Terre-Sainte, le duc Henri s’y rendit en 1197, devint le chef de l’armée chrétienne et, le 23 octobre, remporta une victoire éclatante sur le frère du fameux Saladin, l’émir Saphadin ou Malek-Adel ; mais, au printemps suivant, il repartit pour l’Europe, où la mort de Henri VI avait fait naître de nouvelles complications. La duchesse, Mathilde de Boulogne, avait gouverné le Brabant en l’absence de son mari et déployé beaucoup d’énergie. Elle avait, d’une part, envoyé des troupes à Baudouin, comte de Flandre et de Hainaut, alors en guerre avec la France, et, de l’autre, sévi contre des ecclésiastiques liégeois, qui n’avaient pas tenu compte de ses ordres. En 1198, elle contribua à faire élever à l’empire Othon de Saxe, qui fut proclamé roi des Romains, le 4 juillet, à Aix-la-Chapelle, où Waleran de Limbourg et les bourgeois avaient opposé à ses partisans une longue résistance. Le jour du couronnement, la fille unique du duc, Marie, qui n’avait que neuf ans et qui avait été fiancée à Othon, prit place à côté de lui ; mais, probablement à cause de son jeune âge, sans porter de couronne.

Pendant plusieurs années les partisans d’Othon restèrent maîtres de la