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Trond, auteur contemporain, connue le plus puissant des princes de la contrée envirouuaut cette ville, l’abbaye de Saint-Trond était depuis plusieurs années livrée à la discorde, contre-coup inévitable des querelles du sacerdoce et de l’Empire. L’appui de l’évêque de Liège, Henri, y avait maintenu l’abbé Lanzon, puis Ilériman, son siu’cnsscur ; mais un grand nombre de religieux étaient dévoués à leur compétiteur, Luipon, né à Zeelhem d’une famille noble, et qui comptait beaucoup d’amis à Louvain. Lorsque l’évêque Henri mourut, en l’an 1091, le comte Henri fit reconnaître Luipon comme abbé sans rencontrer de résistance. Le duc de Basse-Lotharingie lui-même — c’était alors le célèbre Godefroid de Bouillon — n’osait pas le contrarier ; les religieux étaient satisfaits, les laïques étaient également peu disposés à s’opposer au comte. Celui-ci accomplit donc paisiblement son projet, dès le 11 aoLit 1091, deux mois à peine après la mort de l’évêque.

Au mois de février ou de mars 1094- 1095 (selon Phalesius, auteur d’une chronique manuscrite de l’abbaye d’Afflighem), Henri expira à son tour. Ayant appris qu’Everard, châtelain de Tournai, avait à son service des chevaliers très adroits, il se rendit dans cette ville, afin de mettre leur habileté à l’épreuve. Ayant provoqué l’un d’eux, nommé Gosceguin de Forcst, l’ayant même poussé à bout, une lutte s’engagea entre eux. En se jetant l’un contre l’autre, la lance à la main, Henri fut atteint par l’arme de son adversaire et tomba mortellement blessé. Sa perte, ajoute le chroniqueur Hériman, fut un sujet de deuil pour toute la contrée. Il avait, en effet, acquis une grande réputation et si complètement chassé de ses domaines les voleurs et les brigands qu’en aucun pays on ne jouissait d’autant de paix et de sécurité.

Je me suis appuyé sur ce témoignage presque contemporain pour attribuer à ce prince l’institution en Brabant de cette paix du comte (pax comitis), qui est mentionnée dans la charte de franchise octroyée au village d’Incourt en 1226 et dans d’anciennes stipulations citées par Gramaye, à propos d’une localité du Peelland. Cette « paix du comte «, en vigueur dans une contrée où l’autorité était exercée au nom d’un duc (le duc de Brabant), évoque évidemment le souvenir d’une époque où les ancêtres et prédécesseurs de celui-ci n’avaient pas obtenu la dignité ducale. Elle se rattache donc aux améliorations sociales tentées et obtenues par le comte Henri. Si l’on en croyait les assertions des historiens liégeois, celui-ci aurait été l’un des princes qui se joignirent à l’évêque de Liège, Henri de Verdun, pour établir dans le diocèse une paix absolue, pendant certaines parties de l’année et à certains jours. Le fait de cette institution est indéniable, mais les détails donnés à ce sujet sont contestables. La date de 1071 ne soutient pas l’examen, puisque c’était alors Théoduin de Bavière, et non Henri de Verdun, qui occupait le siège épiscopal de Saint-Lambert ; celle de 1081, comme je l’ai dit ailleurs, convient peu ; la période de 1086 à 1091 est plus acceptable. Au surplus, la paix de Liège semble n’avoir été qu’une application au diocèse de Liège de la paix publique établie par l’archevêque de Cologne Sigewin, dans un synode provincial, le 20 avril 1083, puis étendue à tout l’Empire dans une assemblée qui eut lieu à Mayence en 1085. Le comte Henri est cité par Gilles d’Orval comme y ayant concouru, mais sous le nom de comes Loviniaci, ce qui n’est pas tout à fait Lovaniensis ; cette altération mérite d’autant plus d’être signalée que Henri ne vécut pas toujours en très bons termes avec l’évêque de Liège, comme on peut en juger d’après ce qui se passa de son temps à Saint-Trond.

Le comte Henri avait épousé Gertrude, fille de Robert le Frison, comte de Flandre, dont il n’eut pas d’enfants, et qui se remaria à Thierri d’Alsace, duc de Haute-Lotharingie ou de Lorraine, père du comte de Flandre du même nom. Les chroniques postérieures, dont j’ai signalé plus haut les nombreuses erreurs, et dans le nombre celle de Baudouin d’Avesnes, n’ont pas manqué d’en