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des principaux écrivains de l’antiquité classique. On trouve dans ses écrits des emprunts ou des citations attestant qu’il avait lu Cicéron, Salluste, Pline, Térence, Horace, Virgile, Tibulle, Juvénal, Perse, Martial, et, parmi les Pères de l’Église, saint Jean Chrysostome, saint Basile, saint Cyrille, Eusèbe, saint Jérôme, saint Augustin, saint Ambroise, saint Hilaire, saint Fulgence, saint Léon le Grand, auxquels il faut ajouter Arator et Prudence, ainsi que les principaux écrits théologiques du moyen âge, comme les livres de Raban Maur, de Paschase Radbert, etc. Toute la littérature historique du moyen âge lui était également familière, comme on le verra plus loin par l’énumération des sources qu’il a consultées pour sa Chronique. Et ce n’est pas tout, car on trouve dans ses ouvrages des fragments de textes anciens dont la provenance n’a pas encore été vérifiée. Quelques érudits ont même cru pouvoir soutenir qu’il avait lu Tacite, et peut-être n’est-il pas impossible de le prouver, mais avec des arguments meilleurs que ceux qui ont été employés jusqu’ici. Heriger était également versé dans la musique et dans les mathématiques ; il paraît aussi avoir eu des notions de grec.

Le principal titre d’Heriger à l’attention de la postérité, c’est son Gesta Episcoporum Tungrensium, Trajectensium et Leodiensium, premier travail d’ensemble qui ait été entrepris sur l’histoire du diocèse de Liège.

Notger l’avait peut-être inspiré ; ce fut lui sans doute qui facilita à l’auteur le rassemblement de tous les matériaux. Voici à quelle occasion Heriger conçut la première idée de ce travail. Werinfrid, abbé de Stavelot, s’était adressé à Notger pour le prier de polir au point de vue du style et de compléter par rapport aux faits une vie de saint Remacle, qui avait été écrite dans son abbaye au IXe siècle. Notger confia ce travail à Heriger, qui le soigna particulièrement, et le renvoya à l’abbé de Stavelot avec une préface mise sous le nom de l’évêque. Ayant raconté ainsi un épisode important de l’histoire du diocèse, Heriger forma le projet d’y rattacher une chronique de tous les évêques depuis saint Materne jusqu’à son temps. Ce plan, déjà annoncé comme réalisé dans la lettre d’envoi à Werinfrid, ne fut jamais exécuté d’une manière complète. Heriger n’a poussé sa chronique que jusqu’à saint Remacle, et a laissé sans histoire tous les successeurs de ce pontife. On ne sait quelle raison s’opposa à l’achèvement de ce travail ; dans tous les cas, ce ne fut pas la mort, puisque la chronique fut commencée avant 979, et que l’auteur vécut jusqu’en 1007. Quoi qu’il en soit, il est certain que la seconde partie, si elle avait été écrite, aurait eu infiniment plus de valeur que la première : les faits dont il est question dans celle-ci étaient trop éloignés pour qu’Heriger en pût parler avec quelque autorité, et, de plus, les documents dont il s’est servi nous ont été presque tous conservés. Sa chronique n’a donc, au point de vue purement historique, qu’un intérêt de second ordre : les seules parties originales qu’on y remarque sont les listes des évêques de Tongres et de Maestricht jusqu’à saint Amand, et l’histoire traditionnelle de saint Jean l’Agneau. Ni Heriger ni Notger ne semblent d’ailleurs s’être inquiétés de ce travail laissé inachevé, puisqu’il resta inédit et entièrement inconnu jusqu’à Anselme. Celui-ci avait déjà écrit sa chronique de Liège lorsqu’il découvrit l’écrit de son prédécesseur ; aussitôt il supprima la partie correspondante de son propre ouvrage et la remplaça par le livre d’Heriger, qui, dès lors, a toujours fait la première partie de la chronique d’Anselme, et n’en a jamais été séparé par les éditeurs.

L’ouvrage d’Heriger est une compilation consciencieuse et exacte, une espèce de centon dans lequel il a reproduit textuellement, en les cousant l’un à l’autre, de longs extraits de ses sources, se contentant, lorsqu’elles lui semblaient parler un langage par trop barbare, de les orner des fleurs de sa rhétorique verbeuse. Il a consulté et utilisé la chronique d’Eusèbe et son histoire ecclésiastique, Jornandès, le Gesta Francorum,