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influence la plus salutaire, on s’élevant avec véhémence contre les mœurs relâchées du clergé ; il provoqua de la part du chapitre des mesures sévères ; il n’hésita même pas à rappeler à son chef diocésain, Albéron II, qu’un prélat doit prêcher d’exemple. Albéron, sous le poids de diverses accusations, fut mandé à Rome pour se justifier devant le souverain pontife (Innocent II) ; la mort le surprit à Ostie. Henri obtint sans retard les suffrages des prêtres et du peuple : raptus magis quàm lectus ad episcopatum, dit Fisen ; il fut sacré par Arnulphe Ier, archevêque de Cologne. On n’eut pas à se repentir de ce choix : le zèle du nouvel élu fut à la hauteur de son austérité. Saint Bernard étant venu prêcher la croisade à Liège, Henri profita de l’occasion pour engager le vénérable abbé de Cîteaux à réorganiser quelques-uns de ses monastères : c’est ainsi que les Bernardins remplacèrent à l’abbaye d’Aine les chanoines de Saint-Augustin, qu’Albéron II y avait installés. Les intérêts temporels du pays ne furent pas non plus négligés sous ce règne : l’Etat de Liège s’accrut des châteaux de Rode, de Fontaine et de Beaumont.

En 1153, Henri eut à soutenir une guerre contre le comte de Namur, Henri l’Aveugle, qui réclamait la restitution d’une somme d’argent prétenduement prêtée par lui à l’évêque Albéron , lors du siège de Bouillon. Le prince ne refusa pas de reconnaître la dette, mais prétendit que le comte produisît le billet d’obligation : on n’en découvrit aucune trace. Au lieu de négocier, Henri l’Aveugle se fâcha tout de bon. Il fit arrêter deux bourgeois de Liège que des affaires de commerce avaient appelés à Namur ; il fit plus : il tenta d’enlever l’évêque lui-même, qui se trouvait à Hollogne dans une maison de plaisance. La rupture était inévitable. Le Namurois se mit le premier en campagne, malgré la rigueur de la saison, et marcha sur Andennes. Leyen n’attendit pas qu’on entrât sur ses terres : il leva en toute hâte des troupes à Liège, à Huy, partout où il put, et sans se préoccuper de l’infériorité de ses forces, s’avança sans perdre de temps à la rencontrer de l’ennemi. Les Liégeois étaient vivement excités, et la présence du corps de Saint-Lambert, qu’on avait fait venir de la capitale, contribuait à les animer. Un combat acharné s’engagea près d’Andennes : l’infanterie du comte fut écrasée et sa cavalerie, toute composée de gentilshommes, désarmée ou emmenée en captivité. Malheureusement, les vainqueurs abusèrent de leur triomphe. Ils saccagèrent le bourg, ruinèrent le pont de la Meuse, brûlèrent l’église et le monastère, firent subir aux chanoinesses des traitements indignes. L’évêque fut consterné ; peut-être, en effet, eût-il pu prévenir ces désordres. Il fit rebâtir l’église et renonça, pour lui et pour ses archidiacres, au droit d’être défrayés parle chapitre, lorsqu’ils s’arrêtaient à Andennes [1]. Le comte regagna Namur, mais profita bientôt de l’absence d’Henri de Leyen, appelé en Italie par Frédéric Barberousse, pour harceler la principauté. La paix ne fut définitivement conclue que sous l’évêque Alexandre II.

Le premier voyage de notre Henri à Rome date de 1155 ; il lui valut la confirmation, par le pape Adrien IV comme par l’empereur, de tous les privilèges de l’église de Liège. Quatre ans plus tard, Leyen dut quitter une seconde fois son diocèse, en présence de graves circonstances : un schisme était sur le point d’éclater. Adrien IV étant mort en 1159, les cardinaux, en très grande majorité, portèrent leur choix sur Rolando Rainuce, qui prit le nom d’Alexandre III ; la minorité vota pour Octavien (Victor III). Barberousse convoqua en 1160 une assemblée à Pavie : elle jugea en faveur de Victor ; aussitôt Alexandre excommunia l’empereur. L’évêque de Liège prit parti pour celui-ci, c’est-à-dire pour l’antipape. Après la prise de Milan (1162), il fut nommé gouverneur de la ville ruinée. Il avait prévu que son absence de Liège serait longue : avant de se mettre en route, il avait confié à quatre chanoines le soin du spirituel de

  1. De Marne, Hist. du comté de Namur, Liège, 1754, in-4o, p. 168.