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tirée de ses ennemis, on convint de s’en remettre à des arbitres, et un arrangement fut signé le 14 décembre 1268.

Pendant que Henri était ainsi impliqué à l’extérieur dans des embarras de toute espèce, à Liège, le parti populaire avait repris confiance et ne craignait plus de manifester ouvertement sa haine pour la paix de Bierset. La forteresse de Sainte-Walburge, élevée par l’évêque aux portes de la cité après la soumission des communes, en 1253, faisait surtout l’objet de ses réclamations. Un coup de tête était imminent, la négligence de l’évêque le rendit inévitable : en 1269, le château-fort fut surpris par les bourgeois et ruiné de fond en comble. Cet événement fut le signal d’une nouvelle guerre civile. Huy, Dinant et Saint-Trond renouèrent leur ancienne alliance avec Liège, tandis que l’élu détournait ses hommes d’armes de la frontière brabançonne pour les faire marcher contre ses sujets. L’issue de la guerre ne pouvait être douteuse. Sans organisation, sans plan de campagne, sans chefs reconnus, les communes ne tardèrent pas à s’apercevoir qu’elles s’étaient lancées en aveugles dans une malheureuse échauffourée dont il fallait sortir au plus tôt. Elles implorèrent la médiation de Marguerite de Flandre et, grâce à cette princesse, obtinrent en juillet 1271 une paix moins défavorable qu’elles ne le craignaient (paix de Huy).

Sur ces entrefaites, Jean Ier avait atteint sa majorité, et, suivant les traditions de sa famille, commençait à s’occuper des affaires de son voisin de l’est. Il semble même avoir soutenu les communes dans leur dernier soulèvement[1]. Deux ans plus tard, et sans qu’on puisse au juste en trouver la cause, il envahissait la Hesbaye et brûlait Fontaine-l’Évêque. Heureusement, la mort de sa mère et l’avènement au trône d’Allemagne de Rodolphe de Habsbourg nécessitèrent presque aussitôt la présence du jeune duc en Brabant d’abord, puis à Aix-la-Chapelle, et le contraignirent, bien malgré lui, à interrompre cette expédition. Il ne devait plus d’ailleurs prendre les armes contre l’évêque.

Depuis que Grégoire X, jadis archidiacre de Liège, avait succédé à Clément IV sur le trône de saint Pierre, le Saint-Siège s’était ému des scandales éclatants de la vie de Henri de Gueldre. S’il faut en croire une lettre du pape qui nous est parvenue, ce n’est pas seulement des plus honteuses débauches qu’il se serait rendu coupable, c’est encore d’avoir dilapidé les deniers publics, vendu au plus offrant les bénéfices ecclésiastiques, violé les libertés des églises ; c’est de s’être enfin laissé corrompre dans l’exercice de la justice séculière[2]. Henri ne tint aucun compte des remontrances apostoliques. Son caractère violent ne lui permettait guère de se rendre à la persuasion et lui cachait même le danger auquel il s’exposait en ne changeant pas de conduite. Le viol d’une jeune fille patricienne lui avait, en effet, aliéné les sympathies de la noblesse sur lesquelles il avait pu compter jusque-là. Nul, s’il était accusé, ne prendrait sa défense : il ne comptait plus que des ennemis, et il n’était personne dans l’évêché qui ne souhaitât sa perte. Aussi les Liégeois avaient-ils salué avec joie la nomination de Grégoire X au siège de saint Pierre. Ils le savaient hostile à leur prince et voyaient d’avance dans ce vieillard qui avait si longtemps habité leur pays le vengeur de leurs défaites passées. Des députés furent envoyés à Rome pour se plaindre de Henri : ils firent si bien, que le pape, convaincu de l’insuccès de ses démarches précédentes, le cita au concile de Lyon. Là, tout se réunit à la fois pour l’accabler. Aux accusations anciennes, on ajouta celle plus réelle

  1. C’est du moins ce que permet de supposer le titre d’avoué de Liège qui lui est reconnu dans un acte du 27 novembre 1270.
  2. On sera peut-être surpris de ne pas trouver ici une mention plus étendue des débauches généralement attribuées à Henri. Mais Jean d’Outremeuse étant le seul chroniqueur qui les rapporte avec les détails si réalistes, mais il faut bien en convenir, si pittoresques que tout le monde connaît, je n’ai pas osé ajouter une foi entière aux assertions d’un chroniqueur qui, déjà si fantaisiste dans le reste de ses écrits, le paraît plus encore dans tout ce qui concerne le règne de Henri de Gueldre.