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térêts étrangers que les Liégeois étaient tenus à prendre les armes, mais pour la défense du pays et le soutien des droits de l’Église et de l’évêque. Il alla plus loin. Sur la demande de Henri de Gueldre, son cousin, l’empereur d’Allemagne ayant rendu une ordonnance qui obligeait les Liégeois à concourir à la défense des biens du chapitre, il ne tint aucun compte de cette injonction, et le peuple ne partit pas. C’était une faute. L’élu, désormais hostile à la commune, n’attendit plus que l’occasion de donner un libre cours à son ressentiment. Elle ne tarda pas à se présenter. À la suite d’une émeute où le peuple, craignant pour la vie de son chef, avait brisé les portes du chapitre de Saint-Lambert, Henri de Gueldre jeta l’interdit sur la ville et se retira à Namur avec le chapitre.

En présence d’une déclaration de guerre aussi nette, Henri résolut, de son côté, d’abandonner la politique pour la violence. Il mit les échevins dans l’alternative ou de prêter serment à la commune, ou de quitter la ville. Ils adoptèrent sans balancer le second parti et allèrent se joindre à l’évêque.

La lutte définitivement engagée fut des deux côtés soutenue avec vigueur. Tandis que l’élu cherchait des auxiliaires parmi ses feudataires et la noblesse des contrées voisines, Henri trouvait des alliées fidèles dans les bonnes villes du pays, qui supportaient avec impatience le régime oligarchique contre lequel Liège venait de se soulever. Huy, Saint-Trond s’allièrent donc ouvertement avec lui, établirent dans leurs murs l’organisation des vingt hommes et tinrent la campagne contre l’évêque. Après maints pillages de part et d’autre sans avantage marqué pour personne, la paix fut enfin conclue à Maestricht, par l’intervention du légat du pape, Pierre Capuce. On rendit les prisonniers, le chapitre rentra dans Liège, et la ville fut relevée de l’interdit.

La question était pourtant loin d’être tranchée. Les choses restaient dans le statu quo. Il était évident qu’on n’aboutirait à une paix durable qu’après avoir trouvé une solution. Les deux partis n’avaient ni déposé leurs haines, ni leurs rancunes ; la guerre devait se rallumer bientôt. C’est ce qui arriva.

Quoique son année de maîtrise fut passée, Henri de Dinant n’avait rien perdu de sa popularité. Depuis la guerre, sa renommée s’était même répandue au loin par tout le pays et, dans les bonnes villes, on le considérait comme une sorte de protecteur de la liberté communale. C’est ainsi que les Hutois eurent recours à lui à propos de différends survenus avec leurs échevins. Henri voulut rappeler ceux-ci au respect de la loi ; ils s’obstinèrent, et des troubles survinrent dont le contre-coup se fit sentir à Liège. L’évêque et les nobles saisirent avidement cette occasion de recommencer la lutte. De nouveau l’interdit fut lancé sur la ville, qu’abandonnèrent pour la seconde fois tous les ennemis du nouvel ordre des choses.

L’action allait être décisive. De l’issue de la lutte dépendait maintenant le triomphe ou la ruine de la démocratie. C’est ce que l’on comprit parfaitement. L’élu convoqua sous sa bannière toute la noblesse de l’évêché et obtint même des secours du duc de Brabant et du comte de Hollande. De leur côté, les bonnes villes renouèrent et fortifièrent leurs alliances. Huy, Saint-Trond, Thuin (?) et Dinant s’unirent à Liège, et les milices communales obtinrent d’abord l’avantage. Henri commandait les Liégeois, qui surprirent, sous sa conduite, le châtelain de Waremme et tentèrent différents coups de main contre des forteresses de l’évêque. Mais tout changea de face après la défaite des Hutois par le comte de Juliers (10 août 1255). Saint-Trond se rendit et Henri de Gueldre établissant son armée à Vottem tint étroitement bloquée sa ville épiscopale. En même temps, les échevins proclamaient banni Henri de Dinant ; la famine s’introduisait à Liège, et le peuple demandait la paix. Elle fut conclue à Bierset, le 17 octobre 1255. Le bannissement de son ancien maître et de ses principaux partisans, la perte de ses droits politiques, de lourdes amendes destinées à couvrir les frais de la guerre