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versement du trône de Philippe II et une révolution sociale, il se separa d’eux. Dès ce moment son dévouement au service du roi fut taxé de trahison et le comte de Megen se vit en butte à toutes les calomnies, à tous les outrages. Ses adversaires lui reprochèrent d’avoir dévoilé à la gouvernante le secret des délibérations auxquelles il avait assisté[1]. Le fait est que son zèle à faire réprimer les projets des confédérés fut parfois excessif et l’entraîna même à des actes que les passions politiciens expliquent, mais qui ne peuvent être justifies devant une conscience honnête. C’est ainsi que lors de l’assemblée de Saint-Trond, pour en connaître les résolutions, il ne se contenta pas d’y envoyer un de ses gentilshommes, il gagna le principal conseiller des chefs de la confédération en lui faisant espérer une place au grand conseil de Malines ou même au souverain conseil de Brabant[2]! C’était par de pareils moyens qu’il parvenait à tenir la gouvernante au courant de tous les projets des confédérés; il ne cessait, en même temps, de la pousser aux mesures les plus violentes, lui disant que quand même le roi accorderait la modification des placards et l’abolition de l’inquisition, « la feste ne se passeroit pas sans se frotter » et insistant pour qu’elle se mît en mesure de « rompre la teste à celluy qui ne se vouldroit contenter de la réponse du roi et empescher les presches. »

Il est juste de constater cependant que malgré son opposition aux projets des confédérés et son dévouement souvent aveugle à la cause du roi, le comte de Megen ne cessa jamais de réclamer la révision des placards contre l’hérésie et de s’opposer positivement à l’établissement de l’inquisition; il déclara sans détour à la gouvernante qu’il ne servirait jamais le roi pour la défense de ces deux causes[3].

Quoi qu’il en soit, la gouvernante fut assez mal inspirée pour charger un homme qui ne jouissait plus d’aucun crédit, du soin d’aller à Anvers calmer les esprits ou d’aviser au moyen d’y arrêter le développement de la réforme. Le comte de Megen se rendit donc auprès des magistrats de cette ville, chercha à leur persuader de recevoir une garnison pour leur propre sûreté et défense[4]; mais il fut très-mal reçu : ses propositions soulevèrent une émeute; lui personnellement n’échappa que par une fuite honteuse au mauvais parti qu’on voulait lui faire. Le souvenir du triste sort de son aïeul, Guy d’Humbercourt, le chancelier de Charles le Téméraire, que les Gantois décapitèrent en 1477, n’était pas fait du reste pour l’encourager à braver les émotions populaires; il revint furieux des affronts qu’il avait reçus et conseilla à la gouvernante d’assiéger cette ville rebelle.

D’après les ordres de la gouvernante, il leva un régiment d’infanterie de Bas-Allemands de dix enseignes[5], se mit à la poursuite de Bréderode, qui avait rassemblé quatre à cinq mille hommes, et le força à abandonner Vianen dont le célèbre auteur du Compromis aurait voulu faire sa place d’armes pour agir ensuite sur toute la province. Megen, secondé par d’Arenberg et Noircarmes, déjoua tous ses projets, lui tua plus de cinq cents hommes et le contraignit à chercher un refuge chez son beau-père où il mourut bientôt après, miné par le chagrin et surtout par les excès de tout genre auxquels il s’adonnait.

Le comte de Megen fit rentrer Groninghe et toutes les villes de la Hollande et de la Zélande sous l’autorité de la gouvernante; il soumit également la Gueldre, déploya dans le gouvernement de cette province une sévérité extrême contre les sectaires et les fit exécuter sans aucune forme de procès[6].

Les services du comte de Megen et son dévouement au roi furent récompensés par de nombreuses faveurs, notamment par la charge de maître et capitaine général de l’artillerie dont Philippe II lui expédia la patente, le 30 décembre 1566.

  1. Lettres de la régente, du 3 avril et du mai 1566.
  2. Lettre du 24 juillet.
  3. Opperus. — Lettre de la régente, du 25 mars 1566.
  4. Pontus-Payen.
  5. Lettre de la gouvernante, du 1er août 1566.
  6. Pontus-Payen.