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que, si quelque « partie », présentement ou à l’avenir, procédait à l’encontre d’une autre partie par voie de fait, les rois des Romains et de Bohême, les électeurs et les princes de l’Empire donneraient secours et assistance à la partie attaquée et lésée[1].

Tel fut le fameux traité de Passau ou de la paix publique comme on l’appela en Allemagne. Les confédérés, satisfaisant à l’obligation qu’il leur imposait, ne tardèrent pas à licencier leurs troupes, à l’exception de celles que Maurice, suivant ce qu’il avait promis au roi des Romains, dirigea vers la Hongrie. De son côté, Charles donna des ordres, mais en les faisant un peu attendre, pour l’exécution de l’engagement qu’il avait contracté à l’égard du landgrave. Le 2 septembre, à Louvain, Philippe de Hesse fut rendu à la liberté[2]; en prenant congé de la reine Marie, loin de montrer quelque ressentiment de la captivité dans laquelle il avait été si longtemps retenu, il témoigna des dispositions toutes favorables au service de l’empereur[3]. Ce prince, qui avait été si remuant et si hardi, devint, après sa rentrée dans ses États, le plus pacifique des souverains de la Germanie.

Charles-Quint ne ratifia pas, sans beaucoup de répugnance, le traité de Passau[4]. De Brixen il était venu par Inspruck à Munich; il avait rencontré en chemin ses troupes espagnoles et italiennes; à Inspruck il avait, du consentement du roi, pris l’artillerie et les munitions qui lui étaient nécessaires : il trouva rassemblés dans les environs de Munich la plus grande partie des gens de pied et de cheval, ainsi que les pionniers, qu’il avait fait lever en Allemagne et en Bohême[5]. De cette capitale il se dirigea vers Augsbourg, où il rétablit dans leurs charges les gouverneurs que Maurice avait destitués, ordonnant en même temps qu’on expulsât de la ville trois ministres zwingliens et anabaptistes qui y étaient revenus malgré sa défense, et qu’on en fît sortir aussi les femmes et les enfants de ceux qui suivaient le parti du marquis Albert de Brandebourg[6]. Il s’arrêta à Augsbourg pour achever de mettre en ordre son armée, donner le temps aux commissaires des guerres de faire la revue des régiments, et pourvoir à la solde de ceux-ci[7]. Le jour qu’il en partit, le 1er septembre, il mit définitivement en liberté le duc Jean-Frédéric, sans lui imposer aucune condition, sans exiger de lui aucune assurance. Maurice avait fait beaucoup d’instances, fortement appuyées par le roi des Romains, pour qu’il le retînt au moins jusqu’à ce que lui, Maurice, fût de retour de Hongrie : Charles s’y refusa, ne voulant pas manquer à sa parole[8]. Pendant son séjour à Brixen, sans attendre la conclusion des

  1. Dumont, Corps diplomatique, t. IV, part. III, p. 42. — Heiss, Histoire de l’Empire, t. VII, p. 85.
  2. Lettre de Viglius et de Gérard Veltwyck à la reine Marie écrite de Louvain, le 2 septembre. (Arch. du royaume, Lettres des seigneurs, t. VI, fol. 494)
       M. Alex. Henne (Histoire du règne de Charles-Quint en Belgique, t. IX, p. 291 et.suiv.) a raconté avec détail, et d’après les meilleures sources, les incidents qui précédèrent la mise en liberté du landgrave.
  3. Lettre de la reine à l’empereur, du 5 septembre 1552, dans Lanz, t. III, p. 485.
  4. Voir, dans Lanz. t. III, pp. 480 et 483, ses lettres à Ferdinand des 31 août et 1er septembre.
       Le cardinal de Granvelle, dans des lettres écrites, de Rome, à Philippe II le 3 novembre 1568 et, le 23 du même mois, au secrétaire d’Etat pour les affaires d’Allemagne à Madrid, de Pfintzing (Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays-Bas, t. I, p. cxc), assure même que depuis il révoqua sa ratification, mais sans rendre public l’acte qu’il fit expédier à cet effet, le roi Ferdinand lui ayant représenté que, s’il le publiait, ce serait sa ruine entière et celle de ses enfants.
       Il est à remarquer que la correspondance de Charles-Quint avec Ferdinand publiée par Lanz, t. III, ne dit mot de cette révocation, à moins que le passage suivant d’une lettre de Ferdinand du 29 décembre 1553 (p. 602) n’y ait quelque rapport : « Je ne puis celer à V. M. avoir entendu de plusieurs lieux que l’on parle ouvertement, en la cour de V. M., aussi s’en sont fait oyr publicquement aucuns ses ministres envoyez par la Germanie, que Vostredicte Majesté n’entendoit aucunement observer les capitulations de Passau par lesquelles j’aurois obligé V. M. à choses non tolérables, etc.... »
  5. Lettre de la reine Marie au seigneur de Boussu, du 19 août. (Arch. du royaume : Lettres des seigneurs, t. V, fol. 319.)
  6. Lettre de Charles à Ferdinand du 31 août, déjà citée.
  7. Ibidem.
  8. Instruction donnée par Ferdinand au docteur Zazius le 6 août, dans Lanz, t. III, p. 422. — Lettre de Ferdinand à Charles du 7 août, ibid., p. 430. — Lettres de Charles à Ferdinand des 31 août et 1er septembre déjà citées.)