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et qui représentait saint Clément jeté à l’eau avec une ancre au cou. Cette composition à la détrempe date de 1602 et avait soixante-huit pieds de large; elle ornait la salle neuve du palais pontifical. Le pape avait une affection particulière pour Paul Bril; c’est lui qui lui avait donné le sujet de la grande fresque et la réussite de celle-ci valut à notre artiste de nouvelles commandes et de nouveaux honneurs. On prétend que Clément VIII venait s’asseoir auprès de son peintre pour le voir travailler, pendant des journées entières. A la Scala Santa il exécuta deux grandes compositions dans le même genre que celle dont nous venons de parler, Jonas englouti par la baleine et le Prophète rejeté par le monstre. C’est encore à dater de Paul Bril que l’on introduisit la peinture du paysage dans les monuments religieux; le caractère majestueux qu’il savait y mettre ne heurtait point le style de ces édifices grandioses.

A la Chiesa Nuova, il représenta la Création; il peignit la voûte de l’église Sainte-Cécile, orna de deux paysages d’une grandeur colossale celle de Saint-Vital; au couvent des Théatins, il étoffa de ses paysages les épisodes de l’histoire de saint Bernard, de Balthazar Peruzzi; au couvent des Jésuites, il peignit des oiseaux pour la chapelle de Saint-François. Comme il arrive ordinairement, la mode se mit de la partie et la faveur du souverain entraîna celle des grands seigneurs; c’est à peine si Bril pouvait suffire à ses commandes, malgré son assiduité au travail et sa grande facilité; les Montalti, les Mattei, les Borghèse, les Rospigliosi l’employèrent tour à tour pour embellir leurs palais; on sait que notre Flamand fut lié avec Annibal Carrache et que celui-ci peignit des figures dans ses tableaux, ainsi que Rottenhamer, le chevalier d’Arpin et d’autres. Après une carrière longue, calme et pourtant si bien remplie, Paul Bril mourut à Rome en 1626 et y fut enterré dans l’église del’ Anima.

Van Mander nous parle de ses élèves à Rome et nous cite un certain Balthazar Lauwers, marié, âgé de vingt-huit ans (en 1604) et bon paysagiste. C’est un de ces nombreux enfants perdus de la Belgique qui n’ont point laissé de traces dans leur patrie; puis Guillaume van Nieuwlant, d’Anvers, âgé de vingt-deux ans et actuellement (toujours en 1604) à Amsterdam. Ces dernières données ne sont pas d’accord avec celles fournies par De Bie. Ajoutons encore à la liste de ses élèves, Corneille Vroom, qui fut, en même temps, son ami et Augustin Tassi qui fut lui-même le maître de Claude Lorrain. Quant à Nicolas Spierings, cité comme tel, il naquit en 1633, sept ans après la mort de Paul Bril et ne put donc être qu’un de ses imitateurs. Notre peintre créa d’ailleurs une école nombreuse; on comprend que ce genre nouveau en Italie et qui permettait de déployer sur les vastes murailles des palais ou des temples italiens, les merveilles d’une radieuse nature, devait tenter les jeunes imaginations et exercer le pinceau d’une pléiade d’artistes.

Le talent de Paul Bril a été diversement apprécié; aujourd’hui encore, il a ses enthousiastes et ses détracteurs. Ceux-ci cependant ne sont pas nombreux et encore ils ne peuvent s’empêcher de rendre justice aux principales qualités du maître. Nagler est peut-être le plus acerbe des critiques de Bril; il lui reproche les tons verdâtres et crus, la froideur du coloris, les personnages qui ne sont que de lourds paysans flamands. Les premiers plans sont assez souvent crus, il est vrai; mais on croit que c’est par suite de la disparition des glacis; quant aux figures, outre qu’elles furent souvent exécutées par d’autres, elles ne furent jamais pour Bril qu’un accessoire destiné à rompre la monotonie du paysage et l’animer; ses animaux ne sont pas étudiés et n’ont même aucune prétention. C’est dans le paysage seul que le maître se trouvait à l’aise; mais, pour nous, s’il a rendu des sites charmants, s’il a composé avec une poésie grave, sévère, grandiose ou aimable et attrayante, il a cependant composé, et nous eussions mieux aimé qu’au lieu de se souvenir, il eût simplement reproduit ce qu’il voyait sous ses yeux. Un paysage, quelque savamment conçu qu’il puisse être, quelque calcul