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considérables; ils marchaient vers Temesvar et menaçaient la Transylvanie : Ferdinand n’avait que peu de troupes à leur opposer; l’argent lui manquait même pour leur solde. Si l’accord se faisait entre l’empereur et les confédérés, Maurice lui promettait d’aller au secours de la Hongrie avec toute son armée; les princes médiateurs lui faisaient espérer que l’Empire supporterait les frais de cette expédition : aussi il écrivit à son frère dans des termes pressants, afin de l’engager à accepter le traite sans aucun changement[1]. Le seigneur de Rye et le vice-chancelier Seldt partageaient à cet égard l’avis du roi, quoiqu’ils s’en exprimassent avec plus de réserve[2].

Entre autres stipulations, ce traité auquel Charles-Quint était sollicité de souscrire contenait que les protestants, relativement à l’exercice de leur religion, jouiraient d’une trève indéfinie; que sur les griefs de la nation allemande l’empereur se soumettrait à ce qui serait décidé par le roi des Romains, le roi de Bohême et les princes assemblés à Passau; que, s’il n’observait pas toutes les clauses du traité, les deux rois et les mêmes princes se déclareraient contre lui. Charles s’émerveilla qu’on prétendît lui imposer de telles conditions. Il était prêt à prendre l’engagement de se conduire, quant à la religion, suivant ce qui serait déterminé par la diète de l’Empire, qu’il convoquerait à bref délai, mais il ne voulait point aller au delà. « Combien que je ne sois en délibération de faire la guerre aux protestants, — répondit-il à son frère — ni en aurais à présent le moyen, je ne puis, comme qu’il soit, consentir la bride qu’en ce l’on me veut mettre, afin que je ne puisse jamais procurer le remède, pour être telle obligation contraire à celle que j’ai à mon devoir. Et vois assez que, la trêve devant durer soit qu’on s’accordât sur le différend de la religion ou non, je m’obligerais à comporter perpétuellement sans remède les hérésies, et il pourrait venir temps et occasion où ma conscience m’obligerait au contraire..... Et par ceci tomberait du tout par terre l’intérim et tout ce qui avec si grande peine et frais s’est fait au point de la religion, et se dérogerait, sans participation des états qui y ont intervenu, aux recez des deux dernières diètes : ce que je ne puis ni ne dois faire sans leur consentement, et même en chose qui tant leur importe. Et entends que ce qui s’altérera ou fera en ceci soit avec leur participation, puisqu’avec icelle il s’est déterminé, ni pour rien au monde consentirai-je chose qui soit contre mon devoir et ma conscience, même quand elle se promettrait en mon nom.... » A l’égard des griefs, il ne pouvait accepter le jugement de ceux à qui le traité en déférait la connaissance : si l’autorité impériale se devait perdre, il ne voulait pas que ce fût sous son règne et à son occasion; mais on le trouverait empressé à répondre, en la prochaine diète, à ce qu’on aurait à alléguer contre lui; à réformer volontairement et libéralement ce qui de sa part exigerait quelque réforme; à se justifier de ce dont on le chargerait à tort, de sorte que la nation allemande aurait lieu de se convaincre qu’il désirait le bien du saint-empire et le contentement des états de la Germanie plus que son intérêt particulier. Ferdinand s’était attaché à le persuader qu’il n’y aurait point de honte pour lui à pardonner les offenses dont il avait eu à se plaindre : « Je vous assure — lui réplique-t-il — que s’il n’y avait que la honte, je le passerais aisément pour procurer la pacification, et ne fis oncques difficulté de pardonner les injures qui m’ont été faites particulièrement, pour le bien public : mais le mal est qu’avec la honte, qui se pourrait bien avaler, il y a la charge de la conscience que je ne puis porter. Et aussi ne puis accepter que je vous aye, et notre fils le roi de Bohême, contraires à cause de non observer un traité qu’en bonne conscience je ne puis accepter. » En résumé, Charles, si l’on ne modifiait le traité, était résolu, plutôt que de charger

  1. Lettres des 22 et 28 juin, dans Lanz, t. III, pp. 286 et 305.
  2. Voir leurs lettres des 15, 19 et 29 juin à l’empereur, dans Lanz, pp. 263, 277, 308.