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tention était, au contraire, ce cas venant à se réaliser, de descendre lui-même en Italie pour combattre le monarque français. Il trouvait encore qu’en Flandre les nouvelles d’Espagne lui parviendraient tardivement ; que, s’il pouvait compter sur l’assistance de ses sujets des Pays-Bas pour la défense de ces provinces, il ne devait rien attendre d’eux pour une guerre offensive ; qu’il se verrait donc là dans l’impossibilité de donner secours à ceux qui viendraient lui en demander. Il considérait enfin que, s’il s’éloignait autant du lieu où siégeait le concile, il lui faudrait renoncer au fruit qu’il s’était promis de cette assemblée, car déjà elle ne montrait que trop de tiédeur pour les intérêts de la religion ; et le concile venant à se dissoudre, les choses iraient en confusion dans la Germanie. Toutes ces considérations[1] lui faisaient penser qu’Inspruck serait le lieu où il pourrait le plus convenablement s’établir : cependant, avant de se déterminer, il voulut prendre l’avis de Granvelle et de la reine Marie. Granvelle opina pour qu’il s’établît aux Pays-Bas[2]. Marie lui conseilla Worms ou Spjre, de préférence à Inspruck[3]. Charles, après avoir pesé les raisons de sa sœur et de son premier ministre, se décida pour Inspruck[4] ; le roi Ferdinand, à qui il en avait écrit, venait de mettre à sa disposition le palais de cette capitale. Le 20 octobre, ayant donné l’ordre aux Espagnols du Wurtemberg ainsi qu’aux lansquenets d’Augsbourg de prendre le chemin de l’Italie, il partit avec sa maison, les deux compagnies d’hommes d’armes des Pays-Bas et l’escorte du duc Jean-Frédéric ; il arriva à Inspruck le 2 novembre.

Il y était depuis une quinzaine de jours lorsqu’une ambassade des électeurs de Saxe et de Brandebourg, du roi de Danemark, de l’électeur palatin, des ducs de Wurtemberg et de Mecklembourg, du marquis Jean de Brandebourg et du marquis de Bade vint solliciter de lui la mise en liberté du landgrave, A son départ des Pays-Bas, il avait fait transférer Philippe de Hesse d’Audenarde à Malines, Cet infortuné prince, impatient de la captivité dans laquelle il languissait, n’avait qu’une pensée, et c’était d’en sortir par n’importe quels moyens[5] : il avait fait, dans ce but, à Audenarde, des tentatives qui étaient restées infructueuses ; à Malines, au mois de décembre 1550, il forma un nouveau

  1. Elles sont déduites au long dans une lettre écrite par lui à la reine Marie le 18 septembre 1551, (Archives du royaume.)
  2. Son avis, qui forme douze pages de son écriture, est aux Archives du royaume.
  3. Lettre du 24 septembre 1551. (Archives du royaume.)
  4. Il adressa, le 4 octobre, à la reine, pour justifier sa résolution, une lettre de seize pages, écrite de la main de Gravelle, laquelle il concluait ainsi :
       « J’auray à Inspruck les troys électeurs ecclésiastiques prochains, pour conférer avec eulx ce que sera de besoing, et ne suis si loing de ceulx de Saxe et Brandembourg qu’à Speir ; et si suis près du roy (des Romains) pour, s’il estoit besoing, faire quelque assemblée ; et passant par ledict Inspruck le roy de Bohême, mon filz, je le pourray veoir et de plus en plus procurer de Iny oster toute umbre et gaigner confidence, qu’importe ce que vous sçavez, et parler à ma fille plus franchement, pour en ce nous servir de son moyen, et luy faire plainement entendre combien il luy convient. Touchant le concile, je pourray là estre à ce respect plus à propos et pour l’entretenir ;… et y viendront plus voulentiers les protestants, qui s’assheurent plus de la sheurté que je leur ay donné que du concile mesme......... Dadvantaige, je seray aussi là en la Germanie et avec plus grande sheurté, sans frais, près des Suisses et Grisons, pour les tenir en soing ; et si donne faveur au restablissement de la religion du pays de Swabe, en laquelle on gagne tous les jours avec la chaleur de ma présence… »
       La reine lui avait représenté qu’Inspruck ne convenait pas à sa santé autant que Worms et Spire ; que les neiges y duraient tout l’été. A cela il répond :
       « Quant à ma santé, l’aer dudict Ispruch, comme vous sçavez, est de soy sain : vray est que le froyd et les bruymes me sont contraires pour ma poictrine. Mais, puisque nostre frère m’accorde tout le lougis, j’auray moyen de choisir le meilleur quartier ; et il y a tousjours bon moyen avec ce pour remédier contre la froydure, puisque aussi, en temps d’yver, j’ay peu de moyen de sortir, où que je soye. » (Archives du royaume.)
       Il avait dit à la reine dans sa lettre du 18 septembre : « Où que je soye, puisqu’il est apparent que mes indispositions ne me faudront, aultant me vault-il crier en ung lieu comme en ung aultre. »
  5. Au mois de mars 1551, il dit à Viglius, que l’empereur avait chargé de l’interroger sur ceux avec lesquels il avait comploté son évasion, que, se voyant menacé d’une prison perpétuelle, « le cœur lui avait fait si mal qu’il avait désiré d’être hors de ce monde et mettre la main à soi-même. » (Lanz, t. III, p. 65.)