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avait été accepté par la plupart des villes impériales[1]; seules, Constance, Strasbourg, Brême, Magdebourg refusaient de s’y soumettre. Depuis, Constance avait été réduite par la force ; Strasbourg était entré en composition avec son évêque : mais Brême et Magdebourg persistaient dans leur refus malgré les injonctions et les édits de l’empereur. Il s’agissait d’obtenir des états le moyen de contraindre ces villes rebelles ; il y avait aussi des mesures à prendre à l’égard de quelques-unes de celles qui, ayant adhéré à l’intérim par crainte plus que volontairement, ne l’observaient pas dans tous ses points[2]. C’était là, avec la question du concile, les objets principaux dont Charles avait à entretenir la prochaine diète : mais il y en avait un autre encore qui le ramenait dans la Germanie et auquel il attachait une importance capitale.

En 1548 l’empereur, le roi des Romains et la reine Marie se trouvant réunis à Augsbourg, Ferdinand avait mis en avant la question de la succession éventuelle à l’Empire et parlé pour son fils aîné l’archiduc Maximilien, en faisant entendre qu’à l’élection de l’archiduc pourrait être rattachée la nomination du prince Philippe comme vicaire de l’Empire en Italie. Charles, avant de se prononcer là-dessus, avait voulu avoir l’avis de son fils ; il avait donné l’ordre à M. de Granvelle d’en écrire au duc d’Albe, qui depuis peu était reparti pour l’Espagne. Dans sa réponse, le prince exprima le vœu que la question qui venait d’être soulevée fût remise à un autre temps, vu l’état des affaires publiques en Allemagne et surtout en Italie, où le pape et le roi de France suscitaient à son père toute sorte de traverses : si, en de telles conjonctures, les princes et les républiques de la Péninsule apprenaient que l’expectative de l’Empire eût été assurée à l’archiduc, il pourrait arriver que la crainte qu’ils avaient eue jusque-là de l’empereur vînt à se perdre, et qu’ils cherchassent quelque occasion d’entreprendre sur ses possessions. Philippe, du reste, protestait de son respect pour le roi son oncle et de l’affection qu’il portait à l’archiduc, dont il appréciait le rare mérite et les belles qualités ; il assurait, et il avait à cœur qu’on le sût, qu’il désirait le bien et l’agrandissement de son cousin comme le sien propre[3]. L’empereur trouva fondées les observations de son fils ; il engagea le roi des Romains à ne plus parler d’une question qui pourrait engendrer de la haine entre les princes de leur famille et qui rencontrerait de grands obstacles si l’on voulait y donner suite[4]. Ferdinand n’insista point[5].

Soit qu’en répondant à l’empereur, Philippe n’eût pas découvert le fond de son âme, soit que la réflexion eût fait naître en lui des pensées ambitieuses qu’il n’avait pas conçues dans le premier moment, on le vit, peu de temps après, manifester la prétention, non pas seulement de réclamer pour lui-même la succession qui semblait dévolue à son cousin, mais de succéder directement à son père sur le trône impérial. Le bruit s’en répandit du moins en Espagne et au dehors ; on allait jusqu’à dire que le roi Ferdinand consentirait à se démettre, en faveur du prince, de la dignité de roi des Romains, et la conclusion de cet arrangement était regardée comme l’objet principal du vovage que Philippe allait faire aux Pays-Bas[6].

Ces bruits ne tardèrent pas à de-

  1. Voir la lettre de Charles au prince Philippe, du 8 juillet 1548, dans Maurenbrecher, p. 64*.
  2. Dans une dépêche du 27 juillet 1550, les ambassadeurs vénitiens Morosini et Badoer rapporttent que l’intérim n’est observé dans presque aucune des villes où les opinions des luthériens prévalent ; qu’à Augsbourg même, les jours de fête, on prêche selon les doctrines de Luther, et dans trois églises seulement à la catholique. (Registre cité, fol. 12 v°.)
       S’il en était ainsi à Augsbourg, où Charles-Quint se trouvait avec sa cour, que devait-il en être dans les autres villes ?
  3. Lettre du duc d’Albe à Granvelle, du.. avril 1548. (Arch. du royaume.)
  4. Lettre de Ferdinand à la reine Marie, du 15 juillet 1550, dans Bucholtz, Geschichte der Regierung Ferdinand des Ersten, t. IX, p. 731.
  5. « Le roy a très-bien prins la responce du prince, et volontairement. s’est accordé de différer la chose : dont l’empereur ha heu bien grant contentement. Et je tiens que ce soit le meilleur pour tous respectz.. (Lettre de Granvelle à la reine Marie du 7 mai 1548, aux Archives du royaume.)
  6. Ces propos se tenaient à la cour de France, ainsi que nous le voyons dans une lettre de l’ambassadeur Saint-Mauris à Charles-Quint du 29 juillet 1548. (Manuscrits de Wynants.)