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les autres retombaient avec le temps en judaïsme, tenant et observant en leurs maisons et demeures le sabbat et autres cérémonies judaïques si sécrètement qu’on ne le savait bonnement vérifier, quelque soupçon qu’on en eût, » et qu’on avait trouvé par expérience « que plusieurs d’entre eux, qu’on estimait bons chrétiens, après avoir longuement résidé aux Pays-Bas et accumulé or, argent, bagues et autres biens, étaient passés à Salonique et en d’autres lieux de la chrétienté, où ils vivaient publiquement comme juifs[1]. »

Le 31 mai Charles, ayant fait ses adieux à ses sœurs, monta à cheval avec le prince Philippe, et prit le chemin de l’Allemagne; les compagnies d’ordonnances des comtes d’Egmont et d’Arenberg formaient son escorte; elles devaient le suivre jusqu’à Augsbourg. Il laissait aux Pays-Bas le landgrave de Hesse, sous la garde d’un capitaine espagnol, mais il emmenait son autre prisonnier, le duc Jean-Frédéric. Vandenesse rapporte que « sur le Marché il se tourna vers le peuple et prit congé d’icelui, ce qui ne fut sans grand regret et lamentation dudit peuple. » A Tongres Charles trouva le prince évêque de Liége, qui y était venu pour lui faire la révérence. A Cologne l’archevêque électeur se porta à sa rencontre. En ce dernier endroit, le 14 juin, il s’embarqua sur le Rhin, qu’il remonta jusqu’à Mayence : l’archevêque l’y attendait et le complimenta, comme celui de Trèves l’avait fait à son passage à Coblence. A Spire il reçut la visite d’un autre électeur, le comte palatin Frédéric[2]. Arrivé à Ulm le 2 juillet, il se détourna de sa route pour faire voir et expliquer à son fils les positions que, dans la campagne de 1547, son armée avait occupées à Gingen, à Nördlingen et à Donauwerth. Il entra, le 10, dans Augsbourg, où le roi Ferdinand l’avait devancé. M. de Granvelle et l’évêque d’Arras s’y trouvaient aussi depuis plusieurs jours[3]. La veille de son entrée avait eu lieu celle du duc Jean-Frédéric : ce prince, à qui sa corpulence ne permettait guère de voyager autrement, était en un chariot, entoure d’une garde d’infanterie et de cavalerie espagnole; il avait l’air si riant qu’on l’eût pris pour un triomphateur plutôt que pour un prisonnier; tous les habitants le saluaient avec respect[4]. Quatre enseignes d’infanterie allemande avaient été réunies à Augsbourg, pour en former la garnison pendant le séjour de l’empereur[5].

Lorsque, deux années auparavant, Charles quittait l’Allemagne, l’intérim

  1. Ordonnance du 30 mai 1550 (Reg. Ordonnances et placards, 1545-1550 fol. 174.) Les dispositions contenues dans cette ordonnance avaient fait déjà la matière d’un édit du 17 juillet 1549; mais celui-ci n’avait été publié qu’en Brabant, en Flandre et en Zélande : l’ordonnance de 1550 le fut dans toutes les autres provinces.
       Dès le 2 juin 1547, la reine Marie écrivait à l’empereur qu’il arrivait journellement à Anvers un grand nombre de nouveaux chrétiens, venant de Portugal, lesquels petit à petit se retiraient en divers quartiers.
       Elle lui mandait le 17 juillet suivant : « Quant aux nouveaulx crestiens qui viennent journellement de Portugal en Anvers, ilz passent continuellement dudict Anvers en France, el dèz là, comme l’on dit, vers Ferrare, sans que l’on sçait riens alléguer contre eulx, en tant qu’ilz se disent bons crestiens et sçaivent généralement respondre de la foy crestienne, combien que la présomption soit grande qu’ilz ne se retirent dudict Portugal en si grant nombre sans estre grandement suspectz..... Ceulx d’Anvers se sont doluz du grant nombre qui y arrive; et quant je leur ay demandé advis pour y pourveoir, ilz désiroient qu’on leur eust accordé certain lieu vague où ilz ont ragrandy la ville, pour illec édifier et pour y demeurer, en portant une marque, comme font les juifz en Allemagne : ce que je ne trouvay raisonnable, car, s’ilz sont juifz. Vostre Majesté ne les vouldroit tollérer en voz pays, mesmes les avoit fait retirer de Gheldres, et s’ilz estoient crestiens, on leur feroit tort faire porter marque, Monseigneur, il y a grande présomption contre ceulx qui sont vrais juifz, que petit à petit se retirent vers la Salonnicque, ores que on ne les sçait convaincre; et pour y parvenir, ne vois aultre remède que entièrement leur deffendre la hantise de voz pays. Mais, en ce faisant, est à craindre que la négociation de voz pays diminuera, en tant que aulcuns d’eux font grant train de marchandise. V. M. me pourra commander son bon plaisir..... » (Arch. impér, à Vienne.)
  2. Journal de Vandenesse.
  3. Lettre de l’évêque d’Arras à la reine Marie, du .. juillet 1550. (Arch. impér. à Vienne.)
  4. « ..... Si dimostrò si allegre nella faccia, che pareva venir più presto trionfante che priggione, el tanto più quanto che tutti i Tedeschi di questa città lo salutavano con riverentia... » (Lettre écrite, les 10 et 11 juillet 1550, au doge de Venise par les ambassadeurs Domenico Morosini et Frédérico Radoer : Biblioth. impér. à Vienne, manuscrit Brera, I, 132, fol. 6 v°.)
  5. Ibid.