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Cependant le prince Philippe était parti de Valladolid, le 1er octobre, pour venir aux Pays-Bas; le 2 novembre il s’était embarqué à Barcelone sur la flotte d’Andréa Doria; il avait pris port à Gênes le 25. Traversant ensuite la Lombardie, le Tyrol, l’Allemagne, il était arrivé à Luxembourg le 17 mars 1549, et le 23 à Namur, où l’avaient reçu le prince Emmanuel Philibert de Savoie, le duc Adolphe de Holstein, frère du roi de Danemark, et l’évêque d’Arras, envoyés par l’empereur. A Wavre il avait trouvé la reine Marie, qui s’était portée à sa rencontre avec la duchesse de Lorraine et les principaux personnages de la cour. Il entra à Bruxelles le 1er avril, après avoir assisté à un spectacle magnifique qui lui fut donné dans une plaine à une demi-lieue de la ville : celui d’un simulacre de combat auquel prirent part deux troupes de gentilshommes appuyés chacune par cinquante arquebusiers à cheval et par un corps-d’infanterie. Son entrée dans la capitale des Pays-Bas fut entourée d’un appareil digne de l’héritier présomptif de la première couronne du monde[1] : les magistrats en costume de velours et de satin cramoisi, accompagnés de douze à quize cents bourgeois, tous à cheval, le reçurent et le haranguèrent à l’entrée du faubourg de Louvain. Il avait à ses côtés le cardinal de Trente, qui avait été son conducteur en Allemagne, le marquis Albert de Brandebourg, le duc de Holstein, le prince de Piémont; à sa suite marchait une foule de grands seigneurs d’Espagne, d’Italie et des Pays-Bas. Les reines douairières de France et de Hongrie l’attendaient au palais; elles le conduisirent dans la chambre de l’empereur, qui éprouva, en le voyant, une joie extrême[2].

Le jour qui suivit cette entrée, mourut subitement à Bruxelles[3] Philippe de Croy, premier duc d’Arschot, qui était allé au-devant du prince jusqu’à Bruchsal en Souabe à la tête de douze cents chevaux des ordonnances. C’était une perte notable pour l’empereur, auquel le sire de Croy avait rendu de très-bons services dans les guerres contre la France ainsi que dans le gouvernement intérieur du pays, et notamment lors de la révolte des Gantois. Charles, quelque temps auparavant, avait perdu le meilleur de ses généraux belges, Màximilien d’Egmont, comte de Buren[4], et le principal de ses ministres aux Pays-Bas, Louis de Schore, président des conseils d’État et privé[5]. Il remplaça le duc d’Arschot par le comte Charles de Lalaing dans le gouvernement du Hainaut, donna celui de la Frise et de l’Overyssel, que d’Egmont occupait, au comte d’Arenberg, Jean de Ligne, l’intime ami et le frère d’armes du défunt, et divisa les deux charges qui étaient réunies sur la tête de Louis de Schore, conférant à Viglius la présidence du conseil privé et celle du conseil d’État à Jean de Saint-Mauris, seigneur de Montbarrey, beau-frère de monsieur de Granvelle.. Ce dernier était, depuis plusieurs années, son ambassadeur en France; il n’y était bien, vu ni du roi ni du connétable de Montmorency : son remplacement fut particulièrement agréable à Henri II[6]. Charles lui donna

  1. C’est ce qui résulte des détails donnés par les historiens de Bruxelles, MM. Henne et Wauters, t. Ier, p. 368. Tel n’était point le sentiment de L’ambassadeur Marillac : « Pour tout appareil, » — écrit-il le 4 avril au connétable de Montmorency — « il trouva, devant chascune maison des rues où il passa, une torche ardente fichée sur ung posteau, avec quelques ceintures et chappeaux de lierre et autre verdure qui s’entresuivoit de torche en torche. Davantage y avoit quatre ou cinq tabernacles aux lieux principaulx de la ville, faicts en forme d’arseaulx, sur lesquelz se véoyent quelques peintures et devises, comme d’ung aigle qui fouldroyoit le monde, d’une victoire qui tenoit une croix en une main et ung calice en l’aultre, en signification de ce qui a esté restitué en la religion, et quelques aultres semblables figures, sans qu’on y veist aultre tapisserie par les rues, ny à costé ny par-dessus. »(Manuscrit cité p. 202.)
  2. Journal de Vandenesse. — Histoire de Bruxelles. l. c.
  3. De la gravelle et d’une rétention d’urine. Le jour même de sa mort il avait diné en compagnie et fait bonne chère (Lettre de Marillac à Henri II, du 4 avril 1549, dans le manuscrit cité, p. 192.)
  4. Mort à Bruxelles le 24 décembre 1548, et non le 23 septembre, comme dit M. Henne, t. VIII, p. 357. Marillac, dans des dépêches du 28 décembre au roi et au connétable, donne d’intéressants détails sur ses derniers moments.
  5. Schore mourut aussi en décembre 1548.
  6. Le connétable écrivit à Marillac : « Le roy est bien aise de ce que l’on remplace l’ambassadeur qui estoit près de luy, car il ne parle jamais que de querelles particulières, et jamais encores ne l’ay oy dire chose qui servist ni approchast de vouloir maintenir ces princes en amitié. » (Manuscrit cité, p. 151.)