crut devoir garder, pour la défence des provinces commises à ses soins, les gens qu’elle avait fait enrôler, et elle envoya à la diète, qui devait se réunir à Nuremberg le 13 juillet de la même année 1542, le seigneur de Bersele, Henri de Witthem, avec le conseiller au conseil privé Viglius de Zwichem, qu’elle chargea d’expliciter et de justifier sa conduite[1]. Cette diète ayant été prorogée au 4 novembre, elle y renvoya Viglius, qui cette fois eut pour collègue le seigneur de Crehenges[2]. Les députés de la reine avaient surtout pour instructions d’insister sur l’illégalité de la prétendue érection du cercle de Bourgogne et sur ce qu’avait de contraire à la raison et à la justice la prétention des états de la Germanie d’astreindre les Pays-Bas à participer aux charges de l’Empire, tandis que jamais l’Empire n’avait assisté ces provinces dans les guerres qu’elles avaient eu à soutenir contre la France. Marie n’était pas éloignée, du reste, d’entendre à un arrangement équitable et elle le souhaitait même : que l’Allemagne voulût s’obliger à secourir les Pays- Bas chaque fois qu’ils seraient attaqués; que les souverains de ces provinces fussent convoqués aux diètes de l’Empire et qu’ils y eussent le rang et séance auxquels ils avaient droit; qu’il y eût, en un mot, confédération et ligue défensive entre les Pays-Bas et l’Allemagne, alors elle serait contente que, dans toutes les charges générales de l’Empire, ces pays contribuassent autant qu’un prince électeur; elle ferait même quelque chose de plus, s’il le fallait, pour parvenir à un accord[3].
La diète de Nuremberg n’accueillit pas ce projet de confédération : toutefois, grâce à l’intervention du roi Ferdinand et de M. de Granvelle, les procédures entamées devant la chambre impériale contre les Pays-Bas, en exécution du recez de Spire, furent suspendues. Les choses. demeurèrent en cet état jusqu’à la convocation de la diète à Augsbourg[4]. La reine Marie, persuadée qu’après les événements qui venaient d’avoir lieu en Allemagne, les états de l’Empire « seraient à l’entière dévotion de son frère[5] », jugea l’occasion favorable pour remettre sur le tapis le projet qu’elle avait conçu en 1542. Charles-Quint avait appelé Viglius à Augsbourg, désirant s’en aider dans les affaires qu’il avait à traiter avec la diète : elle chargea ce ministre de demander avec instance à l’empereur qu’il voulût profiter des circonstances pour mettre fin à des différends qui étaient de nature à altérer les bonnes relations des Pays-Bas avec la Germanie; elle lui recommanda d’agir dans le même sens auprès de M. de Granvelle et de l’évêque d’Arras, qui pouvaient beaucoup pour la réussite de l’affaire[6]. Pendant le séjour qu’elle fit à Augsbourg, elle s’employa elle-même à faire goûter son projet des électeurs, des princes et des membres de la diète avec lesquels elle fut en rapport.
Quoique Charles-Quint prît la chose fort à cœur, que les deux Perrenot, père et fils, dont l’habileté et l’influence étaient grandes, plaidassent avec chaleur la cause des Pays-Bas[7], que Viglius mît à la faire triompher tout son zèle et toute son industrie, la négociation, ainsi que nous l’avons dit, fut longue et laborieuse. Ce fut seulement le 26 juin 1548 que les deux parties tombèrent d’accord, et que fut signée la célèbre transaction par laquelle l’empereur et l’Empire prenaient sous leur tutelle et protection toutes les provinces des Pays-Bas, sans exception aucune, avec leurs appartenances et dépendances, s’obligeaient à les défendre contre quiconque les voudrait envahir ou molester; leur assuraient le bénéfice de la paix commune, des priviléges et des prérogatives de la nation germanique, en
- ↑ Instruction de Witthem et de Viglius, dans le registre États généraux, 1542-1563, fol. 23, aux Archives du royaume.
- ↑ Instruction du 21 octobre 1542, Staatspapiere, p. 316.
- ↑ Ibid.
- ↑ Staatspapiere, p. 422.
- ↑ Ibid.
- ↑ Instr. du 28 août 1547, Staatspapiere, p. 420.
- ↑ Dans sa lettre du 3 juillet à la reine Marie, citée plus haut, Viglius lui disait : « Nous espérons, Madame, que V. M. trouvera nostre besoignie bonne; et ne sera que bien que V. M. escripvasse à l’empereur quelque mot de contentement, et pareillement à Messieurs de Gravelle et d’Arras, leur merciant qu’ilz y ont tenuz la main, comme certes ilz ont faict le plus qu’il a esté possible.... »