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Cependant les états, ne pouvant convenir entre eux des personnes auxquelles serait confiée la délicate et difficile mission de rédiger un formulaire sur la question religieuse, s’étaient remis à l’empereur du soin de les choisir, et Charles avait jeté les yeux sur l’évêque de Naumbourg Pflug, sur Michel Helding, grand vicaire de Mayence, et sur Jean Agricola d’Islèbe; le dernier avait été l’un des plus ardents défenseurs de la confession d’Augsbourg. Lorsque ces théologiens se furent acquittés de leur tâche, et que leur travail eut été revu et amendé par les conseillers de l’empereur, il le fit communiquer aux électeurs ainsin qu’à d’autres membres influents de la diète. Les trois électeurs luthériens l’acceptèrent sans contradiction[1]. Fort de leur assentiment, Charles réunit les états le 15 mai. Après que le vice-chancelier Seldt eut fait lecture du projet de formulaire, les électeurs et les princes se retirèrent de l’assemblée, afin d’en communiquer ensemble[2]. A leur rentrée, l’archevêque de Mayence, au nom des états, déclara qu’ils agréaient le système de doctrine qui venait de leur être proposé; seulement ils demandaient qu’une copie leur en fût délivrée. L’empereur répondit qu’ils en recevraient copie en latin et en allemand[3].

Ce système de doctrine ou formulaire, auquel on donna le nom d’intérim, parce qu’il ne devait être en vigueur que jusqu’à la décision du concile général, contenait vingt-six articles; il fut rendu public[4] précédé d’une déclaration de l’empereur qui en établissait l’opportunité et requérait tous les membres de l’Empire, non-seulement de l’observer, mais de ne pas permettre, pour le bien de la paix, qu’on écrivît ou qu’on préchât contre les articles qui y étaient contenus[5]. Dans le fond, dit un historien, « ce système était conforme, presque dans tous les points, à la doctrine de l’Église romaine, mais exprimé, pour la plus grande partie, en un style plus doux, en phrases tirées de l’Écriture, ou en termes d’une ambiguïté concertée. On y confirmait tous les dogmes particuliers aux papistes, et l’on y enjoignait l’observation de tous les rites que les protestants condamnaient comme des inventions humaines introduites dans le culte de Dieu. Il y avait deux points seulement sur lesquels on se relâchait de la rigueur des principes et l’on admettait quelque adoucissement dans la pratique : il était permis à ceux des ecclésiastiques qui s’étaient mariés et qui ne voudraient pas se séparer de leurs femmes, d’exercer toutes les fonctions du ministère sacré, et les provinces qui avaient été accoutumées à recevoir le pain et le vin dans le sacrement de l’Eucharistie pouvaient conserver le privilége de communier ainsi sous les deux espèces; mais on déclarait que ces articles étaient des concessions faites uniquement pour un temps, en vue de la paix, et par égard pour la faiblesse et les préjugés des peuples[6]. » En proposant l’intérim, Charles avait promis aux états de pourvoir à la réforme de la discipline ecclésiastique : un règlement rédigé dans ce but par Pflug, Helding et Agricola fut communiqué à la diète et accepté par elle[7].

Il semblait que ces arrangements dussent procurer à l’Allemagne la paix intérieure dont elle avait tant besoin. Les électeurs, les princes ecclésiastiques et séculiers en témoignaient hautement leur satisfaction; tous avaient souscrit

  1. Lettre écrite à Côme de Médicis, le 22 mars 1548, par l’évêque de Forli. (Arch. de Florence.)
  2. Sleidan, de Thou, Robertson et d’autres historiens prétendent que l’archevêque de Mayence répondit à l’empereur sans avoir consulté les états. Vandenesse dit positivement que les électeurs et les princes en communiquèrent au préalable.
  3. Lettre de l’évêque d’Arras à la reine Marie du 17 mai 1548. (Arch. impér. à Vienne.)
       Ferdinand écrivit aussi à la reine, le 20 mai, que l’intérim avait été sur le champ accepté par les états et les villes. (Ibid.)
  4. Il portait pour titre : Déclaration de Sa Majesté Impériale sur la manière dont on se doit conduire par rapport à la religion dans le Saint-Empire jusqu’à la décision du concile général.
  5. Le P. Barre, t. VIII, p. 784. — Schmidt, Histoire des Allemands, t. VII, p. 322.
  6. Robertson, traduction de Suard, t. II, p.282.
  7. De Thou, liv. V. — Le P. Barre, p. 785.