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gne en 1543. Philippe tenait les cortès d’Aragon à Monzon : informé de l’état de l’empereur, il envoya Ruy Gomez de Silva, pour le visiter et lui rapporter de ses nouvelles[1]. Ce fut en ce temps que Charles, d’accord avec le roi des Romains et la reine douairière de Hongrie, résolut de donner en mariage sa fille aînée, l’infante doña Maria, à l’archiduc Maximilien : ce prince devait aller épouser l’infante en Espagne, où il resterait comme gouverneur, et Philippe venir trouver l’empereur, qui voulait le faire connaître de ses sujets des Pays-Bas. Maximilien se mit en route le 11 juin[2].

Paul III avait en vain, par le cardinal Sfondrato, qui avait suivi la cour impériale à Augsbourg, et par un nonce particulièrement envoyé a cette fin, l’évêque Milianelo, sollicité la restitution de Plaisance[3]. Irrité des refus de l’empereur, il ne songeait plus qu’à traverser ses desseins : il répondit d’une manière évasive aux sollicitations du cardinal de Madrutz, alléguant qu’il ne pouvait rétablir le concile à Trente sans avoir entendu préalablement les pères assemblés à Bologne. Le cardinal revint à Augsbourg, avec cette réponse, le 5 janvier[4]. Le 14 Charles assembla la diète : Madrutz rendit compte de sa négociation à Rome; l’archiduc Maximilien, au nom de l’empereur, exposa que, l’époque où le concile pourrait reprendre ses délibérations à Trente étant incertaine, il convenait d’adopter des mesures qui assurassent la paix religieuse à l’Allemagne; il demanda que la diète désignât quelques théologiens choisis parmi les plus gens de bien, les plus savants et les plus modérés, pour former un projet qui fût de nature à concilier les protestants et les catholiques. Par cette proposition, Charles faisait déjà sentir au pape le juste mécontentement qu’il avait de ses procédés; mais il ne s’en tint pas là : il envoya à Bologne le docteur Velasco et le fiscal Vargas pour protester contre la continuation du concile en cette ville, et il fit renouveler cette protestation par son ambassadeur à Rome, Mendoza, en plein consistoire.

Une cérémonie imposante et qui mit en émoi la cour et la ville eut lieu à Augsbourg le 24 février : ce jour-là, sur une des principales places publiques, l’empereur, entouré du roi des Romains, des électeurs et des princes de l’Empire, donna an duc Maurice l’investiture de l’électorat de Saxe, appelant à lui succéder, à défaut de postérité mâle, le duc Auguste son frère et les descendants de celui-ci. Cette substitution éventuelle avait été vivement sollicitée par Maurice[5]; pour se rendre l’empereur plus favorable, il avait pris l’engagement solennel, par écrit et par serment, d’accepter sans aucune contradiction les décrets du concile de Trente[6]. Le même jour le général de Vogelsbergen, qui, l’année précédente, au mépris des mandements impériaux, avait levé des troupes en Saxe pour le service du roi de France, fut décapité et deux de ses capitaines pendus[7].

  1. Sandoval, liv. XXIX, § XXXVIII.
  2. Journal de Vandenesse.
  3. Voir les lettres de Charles-Quint à son ambassadeur à Rome, D. Diego Hurtado de Mendoza, des 7 octobre et 10 novembre 1547, dans Maurenbrecher, pp. 121* et 125*.
  4. Journal de Vandenesse.
  5. Lettre du cardinal d’Imola mentionnée dans la note suivante.
  6. Ce fait était resté, croyons-nous, ignoré jusqu’ici; il est consigné dans une dépêche qu’adressa, de Bruxelles, le 15 août 1553, au pape Jules III, le cardinal d’Imola, son légat près Charles-Quint, dépéche que nous avons vue aux archives du Vatican. Voici à quelle occasion le cardinal le rapporte. A la mort de. Maurice, la cour de Rome aurait souhaité que l’empereur transférât l’électorat de Saxe à un prince catholique; le légat entretint de cet objet l’évêque d’Arras (depuis cardinal de Granvelle). Perrenot lui répondit qu’il était impossible de satisfaire au vœu du pape; pour l’en convaincre, il lui exposa ce qui s’élait passé lors de l’investiture de Maurice : Mauritio fece quell’ obligatione che più S. M. desiderava da lui, cioè d’accettave senz’ altra contradictione li decreti del concilio Tridentino; et di questo hanno una obligatione sua solennissima in sevitti et con giramento : per causa della quale obligatione S. M. fece l’instantia che fece del concilio Tridentino, sperandone frutto quando Mauritio havesse osservata la promessa, alla quale se poi contravenne cosi desvergognatamente, S. M. non ne puoté far altro.
  7. Sandoval, lib. XXX, § I. — Le P. Barre, t. VIII, p 791.
       Le bourreau, après l’exécution de Vogelsbergen, cria que la même punition atteindrait tous ceux qui iraient servir le roi de France. L’ambassadeur Marillac se plaignit vivement à l’empereur de ces paroles, et lui demanda de faire donner l’ordre au bourreau de les révoquer en public; Charles lui répondit que le bourreau n’avait pas été chargé ni autorisé de dire ce qu’il avait dit; que, par conséquent, il ne fallait y attacher aucune importance. Le roi de France et ses ministres furent très-irrités de l’exécution de Vogelsbergen (Correspondance de l’ambassadeur Saint-Mauris avec Charles-Quint, dans les manuscrits de Wynants.)