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outre, avaient eu à livrer à l’empereur une partie plus ou moins considérable de l’artillerie qu’ils possédaient : cinq cents pièces de canon servirent ainsi de trophées au vainqueur. De celles qui avaient été tirées du Wurtemberg, au nombre de cent, Charles en envoya cinquante à Milan et cinquante à Naples. Toutes les autres furent rassemblées à Francfort, d’où on les dirigea sur les Pays-Bas, pour servir à l’armement des places fortes de ces provinces, ou pour être transportées en Espagne[1]. On n’en peut guère douter : cette répartition des canons conquis sur l’ennemi avait été combinée par Charles-Quint en vue de donner à ses sujets, dans les divers pays soumis à son sceptre, une haute idée de sa puissance et de sa gloire.

La veille de son départ de Halle, Charles avait envoyé en avant ses deux prisonniers, Jean Frédéric de Saxe et Philippe de Hesse, sous la conduite du duc d’Albe et l’escorte d’arquebusiers espagnols[2]. A Naumbourg les électeurs de Brandebourg et de Saxe prirent congé de l’empereur, non sans l’avoir de nouveau Sollicité de déterminer et abréger la durée de la detention du landgrave : tout ce qu’ils obtinrent de lui fut la promesse de faire à la requête qu’ils lui présentairent en faveur de ce prince, après qu’ils aurait rempli ses engagements, telle réponse qu’ils pourraient avoir raisonnable satisfaction[3]. Ils avaient cherché à gagner l’évêque d’Arras : mais ce ministre ne se laissa pas séduire par leurs offres[4]. Ils firent alors, sans plus de succès, agir le roi Ferdinand, auprès duquel ils étaient en grand crédit[5]. Charles rétablit dans sa dignité épiscopale, à Naumbourg, Jules Pflug, que le duc Jean-Frédéric en avait dépossédé[6]. Arrivé à Bamberg le 3 juillet, il y trouva le cardinal Sfondrato, que le pape lui envoyait, avec le caractère de légat. Il avait plus d’un grief contre Paul III. Ce pontife s’était empressé de rendre public le traité du 26 juin 1546, donnant par là à connaître que son alliance avec l’empereur avait pour but de ramener par la force les protestants de l’Allemagne à la foi catholique, tandis que l’empereur déclarait partout qu’il prenait les armes, non pour attaquer les protestants, mais pour réduire à l’obéissance des vassaux rebelles; il avait publié une bulle accordant des indulgences à quiconque s’associerait à la croisade contre les hérétiques, et institué un jubilé à Rome pour que les fidèles secondassent de leurs prières la sainte entreprise des champions de l’Église; il n’avait pas rempli plusieurs des engagements qu’il avait contractés envers l’empereur; il avait si mal payé les troupes envoyées par lui à l’armée impériale qu’une partie en avait déserté; il avait rappelé ces troupes dans un temps où la guèrre était loin d’être finie; enfin, sans consulter l’empereur et contre le gré de celui-ci, il avait transféré le concile de Trente à Bologne. Aussi l’accueil que Charles fit au légat fut-il froid et sévère. Aux compliments de félicitation de Sfondrato lui adressa sur ses victoires, il répondit que les suc-

  1. Sandoval, liv. XXIX, § XXXI.
  2. Journal de Vandenesse. — Lettre écrite à Côme de Médicis, le 28 juin, par son envoyé à la cour impériale. (Arch. de Florence.)
  3. Lettre de l’évêque d’Arras à la reine Marie du 11 juillet 1547, dans Lanz, t. II, p. 599.
       D’après une dépêche en date du 28 juin de l’évêque de Forli, Bernardo de’ Medici, ambassadeur de Côme de Médicis à la cour impériale, Charles, en congédiant les deux électeurs, se serait du bruit qu’ils avaient fait à propos de la détention du landgrave, disant que cela avait porte atteinte à sa dignité et n’avait pas été à leur honneur, car ils étaient bien assurés qu’il n’avait en rien manqué à sa parole. Maurice et Joachim auraient protesté alors que jamais la pensée ne leur était venue de mettre en doute sa fidélité à remplir ses promesses, et reconnu que tout ce qu’il avait promis au landgrave et à eux il l’avait observé. L’évêque ajoute : « D’après ce qu’on a pu remarquer, ils sont partis satisfaits et contents. » (E per quanto s’é visto, sono partiti satisfati et contenti.) Cette appréciation ne semble guère d’accord avec la conduite ultérieure des deux princes.
  4. Lettre de l’évêque d’Arras du 11 juillet.
  5. L’évêque d’Arras écrivait à la reine Marie le 3 août: « Le landgrave est tant importun touchant sa délivrance que l’on le laisse sans practiquer avec luy; et desjà le roy escript en sa recommandation. Mais, sur ce que dextrement l’on luy a fait remonstrer combien il importe, vovre à Sa Majesté mesme plus que à nul autre, d’être assuré de la personne dudict landgrave, il s’est excusé de l’avoir fait par importunité des électeurs de Brandebourg et duc Mauris, se remettant au bon plaisir de Sa Majesté. » (Arch. impér. à Vienne)
       La lettre du roi Ferdinand dont parle l’évêque d’Arras est dans Bucholtz, t. IX, p. 433.
  6. Lettre de l’évêque de Forli à Côme de Médicis ci-dessus citée.