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fixer le terme. Charles, sans prendre d’engagement à cet égard, leur répondit de façon à les satisfaire : ils lui en adressèrent leurs remercîments[1].

Tandis qu’en Allemagne tout succédait aux vœux de l’empereur, des événements se passaient en Italie qui lui causaient de sérieuses préoccupations. Une conjuration avait été tramée à Gênes au commencement de 1547, dont le but était de détruire du même coup l’ascendant que les Doria avaient dans les conseils de la république, et l’influence qui y était acquise à la politique impériale. Cette conjuration n’avait avorté que par une circonstance fortuite : le chef de l’entreprise, Giovan Luigi de Fieschi, comte de Lavagna, étant tombé dans la mer, y avait péri au moment où il venait de s’emparer de la flotte de la république et où presque toute la ville était au pouvoir de ses partisans. Sa mort avait déconcerté les conjurés; le sénat, profitant de la consternation qu’elle répandait parmi eux, s’était, par des mesures promptes et énergiques, remis en possession de l’autorité. Dès le lendemain, Gênes reprenait son aspect ordinaire, et Andrea Doria, qui était parvenu à s’enfuir tandis que son neveu Gianettino tombait sous le poignard des conspirateurs, rentrait dans la ville aux acclamations des habitants. Quoique ce complot eût échoué, Charles, ne doutant pas que le roi de France, le duc de Parme et le pape lui-même ne l’eussent encouragé sous main, en concevait des inquiétudes pour la tranquillité future de la péninsule italique; il craignait aussi qu’il ne se renouvelât quand Andrea Doria, qui allait atteindre sa quatre-vingtième année, viendrait à mourir, et il ne voyait d’autre moyen de prévenir les suites d’une éventualité qu’il redoutait, que de se faire entièrement maître du gouvernement et des forces de la république[2]. Dans le même temps, Naples se soulevait contre le vice-roi don Pedro de Tolède, qui voulait, d’après les ordres de l’empereur, introduire dans le royaume l’inquisition d’Espagne. Cette innovation avait excité un mécontentement général : tousb les ordres de l’État se montrèrent résolus à s’y opposer, les habitants de la capitale coururent aux armes; la noblesse fit cause commune aec le peuple; ils signèrent même un acte d’union par lequel ils contractaient l’obligation mutuelle de se soutenir contre quiconque les attaquerait ou porterait atteinte aux libertés de la patrie. Pendant plusieurs mois Naples fut en proie à une agitation violente et le théâtre de sanglants conflits entre la population et les Espagnols, qui occupaient les chàteaux-forts. L’ordre et la tranquillité ne s’y rétablirent qu’après la publication d’une amnistie émanée de l’empereur et l’assurance, donnée en son nom par le vice-roi, qu’il ne serait plus parlé d’inquisition.

Charles quitta Halle le 23 juin. Cette petite ville eut à payer quinze mille florins, en punition de la part qu’elle avait prise à la guerre[3]. On calcula que les contributions imposées aux princes et aux villes de la ligue de Smalkalde avaient fait entrer dans le trésor impérial près de quinze cent mille florins[4]; tous en

  1. Lanz, t. II. pp.586-588, 583-594. — Journal de Vandenesse.
       Les pièces publiées par Bucholtz et par Lanz réduisent à neant le reproche que Robertson fait à Charles-Quint d’avoir trompé les électeurs de Brandebourg et de Saxe sur ses intentions à l’egard du landgrave, et les réflexions de l’historien anglais à propos de cette honteuse perfidie.
       Dans sa relation au sénat de Venise, Mocenigo se fait l’écho du bruit qui était alors très-répandu en Allemagne, et d’après lequel Charles ou ses ministres auraient promis aux deux electeurs qu’il ne retiendrait pas prisonnier le landgrave : « L’empereur, il est vrai, dit-il, affirme que jamais il ne fit telle promesse, mais seulement celle de ne pas réduire le landgrave à une prison perpétuelle; d’où l’on infère que quelques paroles allemandes à double sens, dites dans les pourparlers qui eurent lieu, peuvent avoir prêté à une équivoque. » Mocenigo ajoute : « Ce qui est certain, c’est que jamais l’empereur n’avait voulu auparavant consentir à traiter avec le landgrave, à moins que la personne de ce prince ne fût remise a la discrétion de Sa Majesté. » (È vero che Cesare affirma non haver mai promesso di non retenerio, ma ben di non darli priggion perpetua : onde si pensa che sopra alcune parole tedesche che, dette in questo proposito si potevano interpretare in dui modi, possi in tal cosa esser stato preso equivoco. Questo è vero, che Cesare mai per inanzi volse assentire di far accordo con lui, se non si remetteva la persona sua alla discretione di Sua Maestà).
  2. Voir sa lettre du 14 janvier 1547 à Juan de Figueroa, son ambassadeur à Gênes, dans Karl V de M. Maurenbrecher, p. 83.
  3. Dépêche de l’évêque de Forli à Côme de Médicis du 28 juin 1547.
  4. Relation de Mocenigo. — Sandoval (livre XXIX § XXXV) parle de seize cent mille florins; mais il comprend dans ce chiffre le subside que la diète d’Augsbourg accorda à l’empereur.