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seraient joints deux cents chevaux arquebusiers et cent hommes d’armes des ordonnances des Pays-Bas[1]; il avait appelé de Hongrie D. Alvaro de Sande, qui avait sous ses ordres deux mille huit cents Espagnols; il en faisait venir six mille du Milanais et du royaume de Naples; il avait donné commission aux colonels Madrutz, Georges de Regensburg, Georges, comte de Schauwembourg, et marquis de Marignan d’enrôler chacun quatre mille lansquenets : l’archiduc Maximilien s’était chargé de lever quinze cents chevaux, le marquis Albert de Brandebourg deux mille cinq cents, le marquis Jean de Brandebourg six cents, le grand-maître de Prusse mille, le duc Eric de Brunswick quatre cents[2]. À ces forces devaient se réunir celles du roi des Romains et du duc Maurice de Saxe : pour obtenir le concours de Maurice, dont l’ambition égalait les talents militaires, Charles, non sans répugnance toutefois, s’était décidé à lui promettre la dignité électorale dont était revêtu Jean-Frédéric, son cousin[3]. La guerre qui allait commencer aurait pour motif la détention du duc de Brunswick et de son État par les chefs de la ligue de Smalkalde, le mépris que ceux-ci faisaient de l’autorité impériale, le trouble qu’ils causaient dans la Grermanie. En gardant le silence sur l’affaire de la religion, qui était son objet principal, Charles ne se flattait guère de faire prendre le change à la nation allemande : mais il fournissait aux villes protestantes une raison de ne pas embrasser le parti de ses ennemis, et au duc Maurice, ainsi qu’aux marquis de Brandenbourg, le moyen de se justifier envers leurs coréligionnaires[4].

Tous ces préparatifs ne pouvaient échapper à l’attention des confédérés de Smalkalde. Le 16 juin les députés qu’ils avaient à la diète, ayant demandé audience à l’empereur, lui exprimèrent le désir, au nom de leurs maîtres, de connaître la but dans lequel se faisaient des armements qu’on ne s’expliquait point, puisqu’il n’était en guerre ni avec le Turc ni avec aucun prince de la chrétienté. Charles leur répondit, par l’organe du vice-chancelier de Naves, que, depuis le commencement de son règne, il n’avait cessé de travailler à entretenir la paix dans la Germanie; qu’il n’avait maintenant encore d’autre dessein que d’y faire régner la tranquillité, la concorde et la justice; que ceux qui lui obéiraient en cela devaient s’attendre, de sa part, à toute sorte de bienveillance et de faveur, mais qu’il agirait avec rigueur contre les autres[5]. Le lendemain il écrivit à la plupart des villes de la ligue protestante, nommément à celles de Strasbourg, de Nuremberg, d’Augsbourg et d’Ulm, pour les prémunir contre les rumeurs mensongères qu’on ne manquerait pas de semer sur ses intentions, et leur donner l’assurance que, s’il prenait les armes, c’était pour faire rentrer dans le devoir ceux qui témérairement cherchaient à détruire son autorité, qui ne visaient qu’à s’assujettir tous les ordres de l’Empire, qui s’étaient emparés du bien d’autrui, et, pour s’assurer le fruit de leurs spoliations, avaient conspiré la suppression des tribunaux appelés à rendre la justice à la nation allemande. De Naves et Granvelle parlérent dans le même sens aux députés des villes à qui ces lettres étaient adressées, les exhortant à garder la fidélité et l’obéissance qii’ils devaient à l’empereur, afin qu’il n’eût pas sujet de se mécontenter d’eux[6].

  1. Lettre de Charles à la reine Marie du 9 juin 1546, dans Lanz, t. II, p. 486.
  2. D. Luis d’Avila, Comentario de la guerra de Alemaña, fol. 5 .
  3. Dans sa relation sur Charles-Quint (que j’ai déjà citée), Alvise Mocenigo rapporte que Charles ne voulut pas d’abord entendre parler de cet accord avec Maurice, par la raison que celui-ci était on luthérien enragé (lutheranissimo), et qu’il avai’ pour femme une fille du landgrave, lequel il honorait et respectait comme un père. Mocenigo ajoute : « Cette résolution (de traiter avec Maurice) fut véritablement la plus prudente et la plus avantageuse que l’empereur eût pu prendre : car on peut dire que la victoire obtenue par S. M. en fut en grande partie le résultat (Questa in vero fù la più utile et la più prudente deliberatione che facesse Cesare, perché da essa pà si pó dire che in gran parte habbi dependuto la vittoria di S. M.). »
  4. Lettre de Charles à la reine Marie du 9 juin 1546.
  5. Sleidan, t. II, p. 314. — Schmidt, t. VII, p. 242.
  6. Sleidan, t. II, p. 316.