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et, comme toujours, on n’avait pu s’accorder sur aucun point. Le colloque avait cessé à la fin de mars, les docteurs luthériens ayant quitté Ratisbonne sur l’ordre de leurs maîtres, sans attendre la présence de l’empereur et sans son autorisation[1].

Aucun des princes protestants ne se trouvait à la diète, lorsque Charles y arriva. Il leur écrivit en termes affectueux pour les engager à y comparaître : ni le landgrave de Hesse, ni l’électeur de Saxe, ni le duc de Wurtemberg, ni même l’électeur palatin, neveu de l’empereur, malgré la promesse qu’il lui en avait faite à Spire, ne se rendirent à son invitation; tous se contentèrent, de se faire représenter par des commis, personnes dépourvues d’autorité, de basse condition et ayant des instructions fort restreintes[2]. Le 28 mai, le roi des Romains arriva à Ratisbonne avec la reine, l’archiduc Maximilien et cinq des archiduchesses. Le 29 y arrivèrent le duc et la duchesse de Bavière, accompagnés de leurs enfants, ainsi que le grand-maître de Prusse[3]. On y comptait en ce moment, outre ces personnages, les cardinaux de Trente et d’Augsbourg, les évêques de Bamberg, de Wurzbourg, de Passau, d’Hildesheim, le duc Maurice de Saxe, les marquis Albert et Jean de Brandebourg, le duc de Mecklembourg, le duc Eric de Brunswick. Charles ouvrit la diète le 5 juin. Dans la proposition qu’il fit à cette assemblée il témoigna son mécontentement de ce que le colloque avait été rompu avant que les états de l’Empire fussent réunis; il demanda l’avis de la diète sur les moyens de pacifier le corps germanique ; il dit que, l’Allemagne ne pouvant subsister sans justice, le rétablissement de la chambre impériale était indispensable, et il requit ceux qui en avaient le droit de lui présenter des assesseurs pour la constituer; il annonça enfin la trève qu’il avait conclue avec Soliman II, en exprimant l’espoir que, si les Turcs reprenaient les armes après qu’elle serait expirée, les états fourniraient au roi son frère les secours dont il aurait besoin[4].

Les catholiques, après avoir délibéré sur cette proposition, répondirent que le moyen le plus propre : pacifier l’Allemagne était de remettre au concile assemblé à Trente la décision de toutes les disputes de religion; de leur côté, les protestants soutinrent que l’assemblée de Trente n’était ni libre ni telle qu’ils l’avaient demandée et qu’elle leur avait été promise; ils renouvelèrent les instances qu’ils avaient faites précédemment afin que les différends en matière de religion fussent portés devant un concile légitime qui se réunirait en Allemagne, ou devant une diète de l’Empire, ou bien qu’un colloque de personnes savantes de l’un ou de l’autre parti fût appelé à les vider[5]. En présence de sentiments aussi contradictoires, il était manifeste qu’on ne parviendrait pas à s’entendre.

Mais Charles attachait une médiocre importance aux délibérations de la diète; ses préoccupations étaient ailleurs. Aussitôt après l’arrivée du roi des Romains et du duc de Bavière, il avait conféré avec eux sur la situation des affaires publiques, et ces deux princes l’avaient confirmé dans la résolution de recourir à la force pour réduire les protestants. Il avait alors fait partir pour Rome le cardinal de Trente, chargé de conclure le traité dont le projet lui avait été apporté à Utrecht par le nonce Dandino[6], et de solliciter Paul III de faire diriger sans délai vers l’Allemagne les douze mille hommes d’infanterie et les cinq cents chevaux que ce pontife s’était engagé à prendre à sa solde ; il avait mandé à la reine Marie de lui envoyer un corps de dix mille gens de pied et de trois mille chevaux que commanderait Maximilien d’Egmont, comte de Buren, et auxquels

  1. Sleidan, t. II, p. 278. — Le P. Barre, t. VIII, p. 631.
  2. Lettre de Charles à la reine Marie du 9 juin 1546, dans Lanz, t. II, p. 486. — Trois années de l’histoire de Charles-Quint, p 130.
  3. Trois années de l’histoire de Charles-Quint, page 132.
  4. Sleidan, t. II, p. 312. — Schmidt, t. VII, p. 229. — Le P. Barre, t. VIII, p. 646.
  5. Schmidt, tome VII, page 231 et suiv. — Sleidan, t. II, p. 313. — Le P. Barre, t. VIII, p. 646.
  6. Le traité fut signé à Rome le 26 juin.