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Si Bruges n’eut pas ses vêpres siciliennes, un avenir prochain lui promettait des matines non moins sanglantes; car, le même soir, des messagers coururent rapidement prévenir les bannis que s’ils voulaient sauver leurs concitoyens, leurs amis, leurs femmes et leurs enfants, ils devaient se trouver aux portes de Bruges avant le lever du jour.

L’aurore n’avait point paru (vendredi 19 mai 1302) lorsqu’un chevalier français se disposa à sortir de la maison où il avait passé la nuit, et comme son hôtesse l’interrogeait avec étonnement, il avoua qu’il voulait s’éloigner de la ville pour ne pas assister à la trahison qui la menaçait; il ajouta que pas un des chevaliers français ne s’était désarmé depuis la veille et que tous les bourgeois de Bruges devaient périr. Ce bruit se répand bientôt de demeure en demeure, de rue en rue, et les bourgeois s’arment en silence : ils attendent que les bannis viennent les rejoindre et fassent entendre le signal de l’insurrection. » Leur attente n’est pas trompée, Pierre De Coninck, à la tête des siens, entre en ville par la porte de Sainte-Croix, tandis que Jean Breydel y pénètre par celle dite des Écluses. A peine celui-ci a-t-il franchi les murs de la ville qu’il s’écrie : « Brugeois, aux armes! Montrez votre courage pour reconquérir vos droits et vos libertés! » Aucun Français ne trouve grâce devant les vengeurs de la commune. Tous tombent sous leurs coups et pour les reconnaître on leur fait prononcer ces mots : Schilt ende vriendt! wat walsch es, valsch es, slaet al doot! « Devise protectrice pour la patrie, dit l’auteur de l’Histoire de Flandre, mais impitoyable pour l’étranger dont les lèvres ne savent pas répéter la rude consonnance. Vingt-quatre bannerets, quinze cents chevaliers et deux mille hommes d’armes avaient péri : toute une armée était venue s’engloutir dans ces murailles dont elle rêvait la ruine. » Le massacre des Français à Bruges devait être le signal d’une guerre terrible avec la France. A peine Philippe le Bel fut-il informé de ce grave événement, qu’il fit publier dans toute l’étendue de son royaume un appel aux armes pour venger l’affront qu’il avait reçu à Bruges. Une armée formidable, composée en grande partie de la fleur de la chevalerie française, courut se ranger sur les frontières de la Flandre. Le 11 juillet 1302, elle livra bataille aux Flamands dans les plaines de Courtrai et l’histoire a conservé le souvenir de sa défaite, C’est dans cette mémorable journée, connue sous le nom de bataille des Éperons d’or, que Jean Breydel et Pierre De Coninck après avoir été armés chevaliers par le jeune comte Guy de Namur, se couvrirent d’une gloire immortelle en combattant pour leur patrie qu’ils sauvèrent de la domination étrangère.

Kervyn de Volkaersbeke.

A. Voisin, Notice sur la bataille de Courtrai, p. 22 et suiv. — Mazas, Vie des grands capitaines français du moyen âge, t. I, p 215. — Baron Kervyn de Lettenhove, Histoire de Flandre, t. II, p. 435 et suiv. — J.-J. De Smet, Corpus chronicorum Flandriæ, t. IV, p. 794. — Vlaemsche bibliophilen, Rymkronyk van Vlaenderen. Blommaert et Serrure, Kronyk van Vlaenderen, t. I, p. 152 et suiv. — Gaillard, Kronyk der stad Brugge, p. 83 et suiv. — Biographie des hommes remarquables de la Flandre occidentale, t. I. p. 42. — Chronyke van Vlaenderen, 621 à 1725, p. 419. — N. Despars, Chronijke van den lande ende graefscape van Vlaenderen, p. 70 et suiv.

BRIAERDE (Lambert DE) ou BRIARDUS, chevalier, membre du conseil privé, président du grand conseil de Malines, jurisconsulte et diplomate, né à Dunkerque (ancienne Flandre) vers l’an 1490, d’Adrien de Briaerde et de Marie Esperlecques, et mort à Malines, le 10 octobre 1557. Dès qu’il eut obtenu le grade de docteur, probablement dans une université de France, il se dévoua entièrement à la pratique du droit. Ses alliances de famille, ses succès de barreau et la considération dont il jouissait ayant attiré sur lui l’attention de Charles-Quint, ce prince le nomma conseiller maître des requêtes au grand conseil de Malines (1er janvier 1522). Il s’acquitta avec distinction des devoirs de sa charge, passa au conseil privé et peu de temps après (27 novembre 1532) succéda à Nicolas Everardi dans la présidence de ce conseil. De Briaerde sut remplir pendant vingt-quatre ans ces fonctions élevées avec tout le succès qu’on