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huit jours après. Charles alors se porte en avant; il avait en ce moment sous ses Ordres vingt mille hommes d’infanterie, dont cinq mille Espagnols, et la cavalerie qu’il avait amenée d’Allemagne. Il couche le 26 août à Vitry, le 28 à Saint-Pierre, le 30 à la Chaussée; le jour suivant il s’approche de Châlons, qu’il laisse derrière lui. Il espérait forcer les Français à la bataille : mais le dauphin, qui était à leur tête, avait ordre du roi d’éviter un engagement à tout prix, et il reculait toujours. L’armée impériale traverse Aï et Epernay, auxquels elle met le feu; elle entre sans coup férir dans Château-Thierry. Le 12 septembre elle arrive devant Soissons, qui, à la première sommation, lui ouvre ses portes. À cette nouvelle la terreur se répand dans Paris; un grand nombre de bourgeois s’enfuient vers la Touraine et la Bourgogne, emportant ce qu’ils ont de plus précieux.

Depuis l’ouverture de la campagne, François Ier avait fait plusieurs tentatives, directes et indirectes, pour porter l’empereur à accueillir des propositions de paix. Charles n’avait pas d’abord prêté l’oreille à ces ouvertures, n’y trouvant pas un fondement solide à de sérieuses négociations[1] : mais, après la reddition de Saint-Dizier, il permit que le secrétaire d’État Claude de l’Aubespine vînt conférer, près de son quartier général, avec Granvelle et Gonzaga. A la suite de cette conférence, il consentit à donner un sauf-conduit à l’amiral d’Annebault. Il avait lui-même des raisons d’un grand poids de désirer la fin de la guerre[2]. Henri VIII, qui s’était engagé à entrer en France avec une armée de trente-cinq mille hommes d’infanterie et de sept mille chevaux, et à lui donner la main pour marcher ensemble sur Paris, n’avait pas rempli ses promesses, et n’était pas disposé à les remplir. La disette, à mesure qu’il s’éloignait des frontières des Pays-Bas, se faisait de plus en plus sentir dans son camp. L’argent commençait aussi à lui manquer. La saison avançait, et il était à craindre que, dans peu de temps, les chemins ne devinssent impraticables pour l’artillerie et les convois de vivres. Enfin son armée diminuait chaque jour par les maladies et les désertions. Toutes ces raisons, auxquelles il faut ajouter les soucis que lui donnaient les affaires religieuses de l’Allemagne et la situation de la Hongrie, le déterminèrent à ne pas former de prétentions qui pussent être des obstacles à un arrangement[3]. Les négociations, commencées le 29 août, entre l’amiral d’Annebault, le conseiller de Neuilly, le secrétaire Bayard, fondés de pouvoirs du roi, et les plénipotentiaires de l’empereur, Granvelle et Gonzaga, se terminèrent le 18 septembre, à Crépy, par un traité de paix dont les stipulations les plus importantes étaient que l’empereur et le roi se restitueraient tout ce que l’un avait conquis sur l’autre depuis la trève de Nice; que l’empereur évacuerait immédiatement la Champagne; que les deux souverains s’engageaient à travailler de concert à la réunion de l’Église et à la défense de la chrétienté contre les Turcs; que, pour ce second objet, François fournirait, six semaines après qu’il en aurait été requis, six cents hommes d’armes à sa solde et dix mille piétons; qu’afin de cimenter l’amitié entre les maisons d’Autriche et de France, le duc d’Orléans épouserait ou la fille aînée de l’empereur, qui lui apporterait en dot tout l’héritage de la maison de Bourgogne dans les Pays-Bas et la Franche-Comté, ou la seconde fille du roi des Romains, dont la dot serait le Milanais; que dans le premier cas, l’empereur conserverait la souveraineté des Pays-Bas sa vie durant, et que le duc et la duchesse d’Orléans seraient mis en possession de ces provinces seulement en qualité de gouverneurs; que l’empereur devrait opter entre l’un et l’autre mariage dans un

  1. Trois années de l’histoire de Charles-Quint, pp. 54-55.
       D’après Sismondi, t. XII, p. 60, ce serait Charles-Quint qui aurait « fait des ouvertures de paix à des officiers français qu’il retenait prisonniers. » Cette assertion est erronée de tout point.
  2. Il s’était trouvé dans une situation assez difficile, quinze jours avant la capitulation de Saint-Dizier, pour désirer qu’une trève fût conclue entre lui et les Français par l’entremise du roi d’Angleterre. Il y a, à ce sujet, une lettre très-curieuse qu’il écrivit à la reine Marie; elle porte la date du 20 juillet.
  3. Trois années de l’histoire de Charles-Quint, pp 55-59.