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En quittant Rome, Charles-Quint s’était dirigé vers Florence; il passa plusieurs jours en cette ville (23 avril-4 mai) avec sa fille et son gendre le duc Alexandre de Médicis. De Florence il se rendit à Asti, où il séjourna pendant une grande partie du mois de juin, tandis que les troupes qu’il avait levées en Italie ou fait venir d’Allemagne, et celles qu’il avait tirées de ses royaumes de Naples et de Sicile (car, depuis plusieurs mois, il regardait la guerre comme inévitable), se concentraient près de Savigliano. L’armée qu’il avait réunie n’était pas forte de moins de soixante-dix mille hommes, infanterie et cavalerie[1], parmi lesquels on comptait douze cents hommes d’armes des Pays-Bas et du duché de Clèves sous les ordres du seigneur d’Isselsteyn[2]; elle avait cent pièces de canon; à sa tête marchaient des chefs d’une valeur et d’une expérience éprouvées, Antonio de Leyva, le marquis del Vasto, D. Fernando de Gonzaga, Ascanio Colonna, le duc d’Albe, le comte de Benavente, le prince de Bisignano, le prince de Salerne. Le 23 juin Charles vint en prendre le commandement. Les opérations militaires avaient commencé, le 7 juin, par le siége de Fossano en Piémont que les Français occupaient et qui capitula le 24. A la suite de plusieurs conseils de guerre, Charles résolut d’entrer en Provence. Ce n’était pourtant pas l’avis de tous ses généraux; ce n’était pas surtout celui du marquis del Vasto, qui rappela à l’empereur le sort éprouvé, douze années auparavant, par le duc de Bourbon et le marquis de Pescaire; selon lui, avant de s’engager dans une entreprise aussi difficile, il fallait soumettre le Piémont, afin de ne pas laisser derrière soi un ennemi qui, en cas de défaite, pourrait faire le plus grand mal à l’armée. Mais Charles se voyait entouré de troupes pleines d’ardeur; les victoires qu’il avait remportées en Afrique lui inspiraient quelque orgueil; il avait à cœur aussi de fournir au roi, de France l’occasion de montrer, autrement que par des paroles, son désir de le combattre : il ordouna de marcher en avant. Le 25 juillet il passa le Var et planta ses enseignes à Saint-Laurent, premier village de Provence; dans le même temps les comtes de Nassau et du Rœulx, ses généraux aux Pays-Bas, envahissaient le Vermandois et la Picardie. Antibes, Brignolles, Cannes, Fréjus, Aix lui ouvrirent leurs portes presque sans coup férir, et Andrea Doria s’empara de Toulon. Le maréchal de Montmorency, que François Ier avait nommé son lieutenant en Provence, avait résolu de ne défendre que les villes d’Arles et de Marseille; il avait fait ruiner tout le reste du pays, les villes aussi bien que les villages, de façon que l’armée impériale n’y pût subsister. Charles, en entrant à Aix, pensait à faire revivre les droits de l’empire d’Allemagne sur les royaumes d’Arles et de Provence, dont cette ville était la capitale; mais le clergé, la noblesse, le parlement, la chambre des comptes en étaient partis, et ils se refusaient à y rentrer; il fut obligé de renoncer à ce dessein.

Il y avait plus d’un mois qu’il était à Aix : le roi ne venait pas l’y chercher; il se tenait à Valence, où il rassemblait une armée de réserve, tandis que Montmorency formait une autre armée à Avignon. La situation devenait embarrassante pour l’empereur. Pénétrer plus avant en France, il n’y fallait pas songer; attaquer Arles ou Marseille, c’était s’exposer à un échec certain, car ces deux villes avaient de fortes garnisons, elles étaient bien munies de provisions de guerre et de bouche, elles étaient défendues par des ouvrages solides. D’autre part l’hiver s’approchait; les vivres étaient de plus en plus rares; pendant des jours entiers l’armée manquait de pain et de viande; quand les soldats découvraient du blé dans quelque cachette de paysan, ils étaient réduits à le piler eux-mêmes pour en faire de la farine, tous les moulins ayant été détruits; la mortalité était

  1. M. Lafuente, t. XII, p. 100, en donne le détail d’après un document officiel.
  2. Journal ms. du Sr de Herbais.