Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/304

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cessé de ce côté[1]. Ces dernières raisons l’emportèrent, et Charles convint avec Clément VII que la cérémonie se ferait à Bologne. Le 22 février, dans la chapelle du palais, en présence des ambassadeurs et des personnages principaux des deux cours, il reçut des mains du pape la couronne de fer des rois lombards; le 24, jour de Saint-Mathias, trentième anniversaire de sa naissance, Clément le couronna, comme empereur d’Allemagne, à San Petronio : ce pontife était accompagné de cinquante-trois archevêques et évêques et de tout le sacré collége; Charles se rendit à l’église précédé du marquis de Montferrat portant, le sceptre, du duc d’Urbin portant l’épée, du duc Philippe de Bavière portant le globe, et de Charles III, duc de Savoie, portant la couronne d’or. Un incident fâcheux marqua cette imposante cérémonie, qui avait attiré des diverses provinces d’Italie une immense affluence de curieux. Afin que le pape et l’empereur pussent se transporter à la cathédrale sans être génés par la foule, une galerie en bois avait été construite depuis le palais jusqu’à cet édifice qui y faisait face : au moment où Charles venait de franchir la porte de San Petronio, le plancher de la galerie s’effondra derrière lui; quelques-unes des personnes qui le suivaient tombèrent sur le sol d’une assez grande hauteur; dans le nombre il y en eut de grièvement blessées. Cet incident fit sensation : les gens superstitieux en tirèrent le pronostic que ce serait la dernière fois qu’un pape couronnerait un empereur; et ce pronostic se vérifia.

Pendant le temps qu’il passa encore à Bologne, Charles régla avec Clément VII les dernières mesures à prendre pour la réduction de Florence; il l’entretint de différentes affaires, d’un intérêt majeur, concernant le régime ecclésiastique de ses États des Pays-Bas, et notamment du projet d’ériger dans ces provinces de nouveaux siéges épiscopaux, projet qui lui était vivement recommandé par l’archiduchesse Marguerite et qui ne se réalisa que trente années plus tard, sous Philippe II; il parvint à amener ce pontife et le duc de Ferrare à s’en remettre à lui de la décision de leur différend, et le duc à séquestrer entre ses mains, jusqu’à ce qu’il eût rendu sa sentence, la ville et le territoire de Modène; il eut enfin de longs pourparlers avec le chef de l’Église sur la conduite qu’il tiendrait envers les protestants d’Allemagne. Ces graves affaires ne l’absorbaient pas tout entier : il appela de Venise le Titien, dont la renommée était venue jusqu’à lui, et le chargea de faire son portrait à cheval : il fut si satisfait de l’œuvre de Vecellio qu’il ne voulut plus être peint par d’autres que par ce grand artiste[2], auquel il accorda une pension en le nommant peintre de son hôtel, et que plus tard il créa chevalier.

Le 22 mars 1530, Charles-Quint quitte Bologne, après avoir pris congé du pape, dont il se sépare « en toute bonne et cordiale amitié[3]. » Au moment de se mettre en route, il signe un diplôme par lequel il fait don de l’île de Malte aux chevaliers de Saint-Jean de Jerusalem. Il arrive le 25 mars à Mautoue, où il est reçu par le marquis Frédéric de Gonzaga qu’il élève au rang de duc, récompensant ainsi les services que le marquis lui avait rendus pendant la dernière guerre. Le 19 avril il part de Mantoue, se dirigeant, par Peschiera, Ala, Roverbella, Trente, Bolzano, Brixen, vers Inspruck, où l’attendait le roi Ferdinand, son frère, et où il entre le 4 mai. Le grand chancelier Gattinara, que Clément VII avait fait cardinal au mois d’août précédent, était depuis quelque temps malade; il meurt le 5 mai. Charles ne veut plus de ministre revêtu d’un titre ni d’une autorité aussi considérables; il confie les sceaux à Nicolas Perrenot, seigneur de Granvelle, qu’il nomme son premier conseiller d’État[4].

  1. Lettres de Charles à Marguerite, des 8 et 13 février 1530.
  2. Lorsqu’il tenait la diète de l’Empire à Augsbourg en 1548, il le manda en cette ville, pour faire son portrait et ceux de plusieurs membres de sa famille.
  3. Lettre de Charles à l’archiduchesse Marguerite, du 23 mars.
  4. C’est à tort que, dans la notice préliminaire aux Papiers d’État du cardinal de Granvelle, on lui donne le titre de chancelier qu’il n’eut jamais.