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couper la sienne, espérant par là se délivrer de maux de tête qu’il ressentait fréquemment, et son exemple fui suivi par les seigneurs de sa cour, non sans regret toutefois : car, au rapport d’un historien[1], beaucoup d’entre eux en versèrent des larmes. A partir de ce temps, les Espagnols ne portèrent plus que les cheveux courts.

La flotte impériale, ayant mis à la voile le même jour 27 juillet, jeta l’ancre, le 7 août, dans la rade de Savone. Charles-Quint séjourna en cette ville, afin de donner le temps à ses troupes de débarquer. Le 12 il arriva à Gênes, où la Seigneurie et les habitants lui firent une réception magnifique : « Les Italiens, — dit Robertson — qui avaient tout souffert de la licence et de la férocité de ses troupes, s’étaient accoutumés à se former, dans leur imagination, un portrait de l’empereur assez ressemblant à l’idée qu’ils avaient des souverains barbares des Goths ou des Huns qui n’avaient pas fait plus de mal que lui à leur pays; ils furent très-surpris de voir un prince aimable et plein de grâce, affable et prévenant dans ses manières, régulier dans sa conduite et dans ses mœurs, et donnant l’exemple d’une attention scrupuleuse à remplir tous les devoirs de la religion[2]. » Trois cardinaux légals, ainsi que son futur gendre, Alexandre de Médicis, attendaient l’empereur à Gênes; ils le complimentèrent au nom du pape. Des ambassadeurs vinrent aussi l’y visiter de la part des princes et des États italiens avec lesquels il n’était pas en guerre. Il avait à peine débarqué à Savone qu’un député de Florence se présentait pour lui offrir les félicitations de cette république, et le supplier de trouver bon qu’elle lui envoyât quatre ambassadeurs avec la mission de lui demander pardon des choses passées. Il reçut à Gênes ces ambassadeurs, qui s’efforcèrent d’excuser la conduite de leurs compatriotes, et déclarèrent qu’ils étaient prêts à traiter avec lui de façon à le satisfaire entièrement, pourvu qu’ils les maintînt en leur liberté : car, plutôt que de la perdre, les Florentins étaient résolus à sacrifier leurs biens, leurs vies, leurs femmes et leurs enfants. Il leur répondit qu’il ne pouvait traiter avec eux sans le consentement du pape. Ils insistèrent : leurs affaires, lui dirent-ils, ne concernaient point le pape, et ils ne pouvaient croire que, lui étant empereur et leur État dépendant de l’empire, il voulût permettre qu’ils fussent replacés sous le joug; ils consentaient d’ailleurs à rendre ses biens à la famille de Médicis, et à la traiter honorablement, comme l’une des principales de leur ville. Il repartit qu’il s’entremettrait volontiers pour les raccommoder avec le pape; que c’était tout ce qu’il pouvait faire en leur faveur[3]. Charles était lie par le traité de Barcelone, qu’il voulait exécuter fidèlement. Il persista dans cette intention malgré les embarras que lui causèrent les prétentions contraires des Florentins et du pape, et malgré les sacrifices en hommes et en argent qu’il lui fallut faire pour réduire la ville récalcitrante à l’obéissance des Médicis.

A l’arrivée de l’empereur à Gènes, on y savait déjà que la paix était signée entre l’Espagne et la France : Charles-Quint ne reçut que plusieurs jours après les dépêches de l’archiduchesse Marguerite qui l’en informaient, et instrument du traité; ils lui furent apportés par le secrétaire des Barres. Celui-ci lui remit en même temps des lettres autographes de François Ier de madame d’Angoulême pleines de paroles courtoises et d’assurances amicales. Des Barres était accompagné d’un gentilhomme de la chambre du roi, lequel allait à Venise communiquer au sénat les clauses du traité et le requérir, ainsi que son maître s’y était obligé, de rendre les places du royaume de Naples que la république occupait. L’empereur fit publier la paix le 30 août; le 1er septembre il partit pour Plaisance. Là de graves nouvelles lui parvinrent d’Allemagne. Soliman II s’approchait de Vienne avec une armée de deux cent mille hommes, en intention de s’en emparer : s’il réussissait dans cette entreprise, le trône de Ferdi-

  1. Sandoval, lib. XVIII, § I.
  2. Traduction de Suard.
  3. Lettre de Charles-Quint au prince d’Orange, du 31 août 1529.