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il lui dit que, si son maître avait observé ses promesses, la chrétienté serait en paix; qu’il avait usé envers le roi de magnanimité et de libéralité; que le roi, en échange, n’avait montré que de la pusillanimité et de la malice; qu’il ne s’était conduit ni en chevalier ni en gentilhomme, mais qu’il avait agi lâchement et méchamment, et que, s’il y prétendait contredire, il était prêt à le lui prouver par combat de sa personne à la sienne. Il lui dit encore que, si le roi voulait être fidèle à sa parole, il reviendrait se constituer prisonnier; qu’alors ses fils recouvreraient leur liberté; qu’ils ne l’obtiendraient pas autrement; que, si le roi pensait les ravoir par des menaces, il s’abusait : car la force le contraignît-elle d’abandonner tous ses royaumes et de se retirer à Grenade, jusqu’à ce tout lui vînt à manquer[1], il ne restituerait les deux princes : n’ayant jamais songé à se procurer de l’argent par de tels moyens, mais son but n’ayant cessé d’être de faire une bonne paix avec le roi, et après avec toute la chrétienté, afin de tourner ensuite ses armes contre les infidèles[2].

Déjà les hostilités avaient commencé en Italie : le connétable de Bourbon s’était emparé du château de Milan, que le duc Sforza occupait encore (24 juillet 1526); un coup de main hardi de don Ugo de Moncada et du duc de Sesa, ministres espagnols à Rome, secondés des Colonna, les avait rendus maîtres de la personne du pape, et, pour racheter sa liberté, Clément VII avait été obligé de consentir à une trêve de quatre mois. Ce n’était là que le prélude des disgrâces que la politique vacillante et tortueuse de ce pontife devait attirer sur lui. Charles-Quint, pris au dépourvu par la guerre, car il avait sincèrement compté sur la paix, suppléa, par son activité, à ce qui lui manquait afin de soutenir la lutte contre ses ennemis : il fit partir Lannoy pour le royaume de Naples avec 7,000 hommes de troupes espagnoles et allemandes; il ordonna la levée en Allemagne de 12,000 gens de pied destinés à renforcer son armée de Lombardie. Bourbon, ayant reçu ce renfort, se vit en état de prendre l’offensive; jusque là les confédérés lui avaient été trop supérieurs en forces pour qu’il put les combattre : il entra en campagne, quoiqu’on fût au cœur de l’hiver, menaçant à la fois Florence et Rome. Depuis le débarquement de Lannoy à Gaëte (1er décembre), des négociations s’étaient ouvertes entre Clément VII et celui-ci; le but du pape était de gagner du temps. L’approche de Bourbon le détermina à hâter un accommodement; le 15 mars 1527 il signa avec le vice-roi une trève de huit mois, à la condition que Lannoy se rendrait à Rome, pour y servir d’otage, jusqu’à ce que les troupes impériales eussent évacué les terres de l’Église.

Avant de traiter avec le pape, le vice-roi s’était assuré de l’assentiment de Bourbon. Cependant, lorsque le connétable connut les stipulations de la trève, il se refusa à les observer et continua sa marche en avant. Lannoy, à la réquisition du pape, l’alla trouver; Bourbon ne consentit à faire retirer ses troupes que si le pape lui envoyait deux cent quarante mille ducats pour les payer. Clément VII, se flattant que l’armée de la ligue le secourrait, et encouragé par l’attitude de la population romaine, aima mieux se défendre que de donner cette somme. Le 5 mai, Bourbon arriva devant la ville éternelle : le jour suivant il donna l’assaut; après un combat opiniâtre, où il fut frappé mortellement, ses soldats pénétrèrent dans Rome par trois points à la fois. La plume se refuse à décrire les horreurs qui suivirent cet événement. Le pape, qui se berçait toujours de l’espoir d’un secours prochain des confédérés, s’était réfugié au château Saint-Ange, accompagné de treize cardinaux, des ambassadeurs de France, d’Angleterre, de Venise et de Florence : ce fort, assez mal pourvu et dont l’état de défense n’était rien moins que formidable, fut aussitôt investi par

  1. «..... Che se fosse costretto per forza abbandonar tutti i regui e ritirarsi in Granata, finchè vedesse pietra sopra pietra, non sarebbe per restituirli..... »
  2. Dépêche de l’ambassadeur Andrea Navagero au sénat de Venise, du 6 septembre 1526, citée par Cicogna, Delle Inscrizioni Veneziane, vol. VI, p. 192.)