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la noblesse de son cœur, ses vertus publiques et privées lui firent des amis dans tous les rangs de la société, jusqu’aux plus élevés. Rubens l’honorait d’une amitié particulière. Mais poursuivons les traces officielles de la carrière de Breughel et voyons les preuves positives qu’il reçut de la faveur de ses souverains. Il fut d’abord attaché à la cour des archiducs; plusieurs requêtes qu’il leur présenta, en 1606, pour exemption des droits de prime sur des tableaux confisqués, pour exemption de droits d’expédition de dix tableaux en Hollande, plus tard de dix autres, furent bien accueillies. Une question locale plus grave fut encore résolue selon les désirs du peintre; il s’agissait d’être exempté de « la garde et aultres services de ladicte ville » (d’Anvers). Jean Breughel avait représenté à Leurs Altesses « qu’il est continuelement occupé en ouvraiges de leur service auquel il serait parfois distraict. » Cette nouvelle requête, de 1609, acceptée par les Princes, fut suivie d’une autre demandant à Leurs Altesses qu’elles fussent « servyes luy accepter pour leur peintre domestique, et luy donner, de grâce espéciale, la mesme liberté des gardes et tonlieux comme aux aultres peintres, etc. » D’après ce document nous apprenons de Breughel « qu’il vient journellement en ceste ville de Bruxelles par commandement et service. » On doit avouer qu’un tel service était assez dur, à une époque où l’on passait plusieurs heures en route d’Anvers à Bruxelles. Cependant le magistrat d’Anvers essaya de combattre les conclusions de l’ordonnance qui accordait à Jean Breughel tout ce qu’il demandait, ordonnance rendue le 13 mars 1610. Il représenta le peu de fondement des prétentions du peintre, le danger d’un semblable précédent et les faveurs du même genre déjà octroyées à Otto van Veen et à Rubens et dont il supplie les Princes de se contenter Il ne faut pas voir dans cette opposition une animosité quelconque contre notre peintre, mais un acte de bonne administration pour défendre les intérêts de la ville et éviter de poser des précédents onéreux à ceux-ci dans le présent ou dans l’avenir. La réponse fut telle qu’on devait s’y attendre; la volonté des archiducs était formelle, ils ne prodiguaient pas de semblables grâces, il n’y avait donc rien à craindre pour l’avenir. L’ordonnance d’exemption fut renouvelée en 1613 et Breughel n’eut plus à subir ni impositions, ni accises, ni maltôtes, etc. — En 1619, des tableaux destinés à Sigismond, roi de Pologne, obtinrent encore de ne payer aucuns droits pour le voyage. On le voit, il n’est pas possible d’être plus en faveur auprès de ses souverains. Les documents qui le constatent sont rapportés par M. Van Lerius, dans l’excellente biographie, insérée par cet écrivain dans le supplément du catalogue du Musée d’Anvers; ils ont été publiés pour la première fois par MM. Ch. Duvivier et Al. Pinchart. Disons à ce propos que les recherches de M. Van Lerius ont déjà reconstitué en partie l’histoire des peintres anversois. Nous avons largement puisé à cette source si exacte, non seulement pour les Breughel, mais encore pour Th. Booyermans, les Van Bredael et en général tous les artistes qui ont de leurs productions au musée d’Anvers.

Les peintres anversois qui avaient visité Rome, formèrent, lorsqu’ils furent de retour dans leur patrie, une société qu’ils intitulèrent les Romanistes; ces réunions avaient, à cette époque, une foule de bons résultats : le plaisir s’y alliait à la bienfaisance ou à l’utilité; on y secourait les malheureux, on s’y réunissait dans de gais repas de corps, on faisait célébrer des services pour les défunts, on aplanissait les différends à l’amiable. En 1609, Breughel fut doyen des Romanistes; c’est lui qui, selon l’usage, fit, en cette année, célébrer la messe de Requiem pour les défunts et donna le repas annuel pendant lequel on reçut comme membre Pierre-Paul Rubens.

Les sociétés renommées de rhétorique, ouvraient entre elles, à cette époque, des concours pour les différentes branches des arts. Au concours de peinture ouvert en 1618 par la Société du Rameau d’Olivier, ce fut un tableau de notre Breughel qui remporta le premier prix. Il s’agissait