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transmise par copie, mentionne la faveur toute particulière dont l’honorait l’empereur Rodolphe II. Lorsque, un peu plus tard, il arriva en Italie, il se mit à reproduire les magnifiques vues qui l’entouraient; dès lors le paysage, sans lui faire abandonner son premier genre, l’occupa plus fréquemment; son goût naturel lui fit choisir les meilleurs modèles, lui fit étudier les plus grands paysagistes et les plus beaux sites de l’Italie; aussi devint-il, en peu de temps, un artiste de premier ordre. Il fut, vers cette époque, distingué par le cardinal Frédéric Borromée, neveu et successeur de saint Charles, à Milan. Ce devait être vers 1593; car Mariette rapporte qu’il a vu cette date sur un dessin du Colisée exécuté par Jean Breughel, au mois d’août de cette même année. Le cardinal Borromée le prit à son service et ce fut pour le prélat qu’il peignit, entre autres, les Quatre Élements, longtemps conservés à la Bibliothèque ambroisienne, à Milan; sous l’Empire, ces tableaux vinrent à Paris; deux furent rendus en 1815, sur réclamation; les deux autres sont encore au Louvre; Mariette appelle ces quatre toiles « des morceaux sans prix. » Notons en passant que cette commande ne fut faite au peintre que vers 1621, bien des années après qu’il eut quitté l’Italie; nous citons ce fait comme une preuve du souvenir que lui avait gardé son ancien protecteur.

Un livre publié en italien, par le docteur Crivelli (1868), fait connaître des documents très-intéressants, découverts par l’auteur dans la Bibliothèque Ambroisienne, à Milan. C’est toute une collection de lettres adressées par Breughel de Velours à son protecteur, Frédéric Borromée et à Hercule Bianchi, amateur distingué et son intermédiaire auprès du cardinal. Ces lettres vont de 1605 à 1624. La plupart sont de la main de Rubens qui servit de secrétaire à son ami. Dans le nombre il y en a une de Philippe De Momper qui fait part de la mort de Breughel; elle est datée du 21 mars 1625 et raconte que le décès de Jean le vieux et ceux d’un de ses fils et de deux de ses filles, eut lieu par une maladie d’entrailles et presque en même temps. La même correspondance donne des détails pleins d’intérêt sur les travaux que Breughel de Velours exécuta pour son Mécène italien.

Dès 1596, Breughel était revenu à Anvers; en effet, nous le trouvons inscrit en cette année comme membre de l’association des secours mutuels pour la Gilde de Saint-Luc. L’année suivante, il fut reçu comme franc-maître de l’association. Deux ans plus tard, en 1599, Jean Breughel épousa Isabelle De Jode, fille du graveur Gérard. Isabelle mourut jeune, après avoir donné deux enfants à son mari, Jean, le jeune, dont la biographie suit, et une fille nommée Paschasie. Celle-ci épousa, en 1624, le peintre Jérôme van Kessel et devint la mère de Jean van Kessel, peintre assez célèbre. En 1601, Breughel de Velours est inscrit au nombre des bourgeois d’Anvers; il abandonnait donc tout projet de retour dans sa ville natale. En 1602, notre artiste fut élu doyen de Saint-Luc. L’année du décès d’Isabelle De Jode n’est pas connue. En 1605, Breughel épousa, en secondes noces, Catherine van Marienburg. Celle-ci lui donna huit enfants; parmi eux il faut citer le peintre Ambroise dont la notice se trouve plus loin; Anne qui devint, à dix-sept ans, la femme du célèbre David Teniers; enfin la dernière, Claire-Eugénie, filleule de l’Infante Isabelle et du cardinal Borromée. On le voit, d’une part la famille Breughel est alliée ou liée avec tout ce que l’art a produit de grand au XVIIe siècle, à Anvers; de l’autre, les personnages importants de l’époque, nos souverains eux-mêmes, tiennent à donner à Breughel de Velours des marques d’estime et de sympathie. Parmi les alliances, les témoins des mariages ou les parrains aux baptêmes, nous lisons les noms des De Jode, des Snellinck, des Janssens, des Van Kessel, des Schut, des Van Balen, des Borrekens, des Van Halmale, des Rubens, des Galle, d’Isabelle Brant, des Teniers, enfin du cardinal Borromée et de l’Infante Isabelle. Breughel de Velours est un de ces artistes complets qui, à un talent supérieur, joignirent toutes les qualités de l’homme et auxquels ne manquèrent pas les faveurs de la fortune. Son caractère conciliant, sa générosité,