vieux duc, il est solennellement reconnu comme le seul et légitime héritier des états de la maison de Bourgogne.
Disposant des trésors et des forces de ces provinces, alors les plus opulentes de l’Europe, Charles organise la ligue du bien public pour abattre Louis XI. Il avait déjà de terribles griefs contre son ancien hôte de Genappe. Tandis qu’il se trouvait encore à Gorcum, où il faisait travailler à des ouvrages de fortification, on y avait arrêté, par ses ordres, le bâtard de Rubempré, émissaire français qui, soumis à un interrogatoire, avait, par ses réponses confuses, fortifié les soupçons du conseil. Le peuple disait ouvertement que Louis XI avait envoyé Rubempré à Gorcum « pour s’emparer du comte de Charolais ou pour le tuer. » Et Louis XI, si formellement accusé, ne put entièrement se disculper. Le 15 mai, Charles avait pris congé de son père ; le 16 juillet suivant, il attaquait, à Montlhéry, les troupes du roi de France. L’aile droite, qu’il commandait en personne, ayant mis en déroute celle qui lui était opposée, Charles poursuivait les vaincus avec son ardeur habituelle lorsqu’il fut atteint d’un coup d’épée à la gorge et en danger d’être pris. « Monseigneur, lui criait-on, rendez-vous ; ne vous faites pas tuer. » Mais Charles se défendit courageusement jusqu’à ce que ses gens fussent venus le dégager. Les Bourguignons campèrent sur le champ de bataille, puis se dirigèrent vers Paris, où Louis XI s’était enfermé. On rapporte que des canons ayant été pointés sur le logis que le comte de Charolais occupait à Conflans, il ne voulut pas le quitter, quoique les boulets entrassent jusque dans la chambre où il se tenait. Après de rudes escarmouches, interrompues par de courtes trèves, les troupes de Bourgogne passèrent la Seine. Alors Louis XI vint deux fois s’aboucher avec le comte et finit par le satisfaire. Il lui céda les villes de la Somme, pour en jouir sa vie durant, ainsi que son héritier, sauf ensuite la faculté de rachat moyennant 200,000 écus d’or ; Boulogne, Guines, Roye, Péronne et Montdidier lui étaient en outre abandonnés en toute et perpétuelle propriété. Ces concessions, ainsi que les avantages stipulés en faveur des princes français, qui avaient été les alliés du comte de Charolais, furent confirmés dans le traité signé à Conflans, le 30 octobre. Charles, qui venait de perdre sa femme, Isabelle de Bourbon, obtint encore, dit-on, de Louis XI une promesse de mariage entre lui, héritier de Bourgogne, et la fille aînée du roi, qui avait deux ans, avec la Champagne et la Brie pour dot.
Après avoir repris possession des villes de la Somme, le comte de Charolais conduisit par Mézière son armée vers le pays de Liége, afin de réduire le petit peuple qui naguère avait osé défier le grand duc d’Occident. Les Liégeois, abandonnés par Louis XI, se soumirent ; le 22 décembre, par un accord signé à Saint-Trond, ils reconnurent Philippe le Bon comme mambour perpétuel et héréditaire de la principauté. L’année suivante (1466), Charles vint camper devant Dinant pour venger un sanglant outrage fait à l’écusson de Bourgogne. Pendant qu’il combattait à Montlhéry, quelques forcenés, portant un mannequin, étaient allés devant les murs de Bouvignes, et là ils avaient crié : « Voyez, c’est le prétendu fils de votre duc !… un vilain bâtard d’Heinsberg, notre évêque, et de votre bonne duchesse !… » Dinant s’étant rendu le 27 août, Charles se montra impitoyable : la ville fut livrée aux flammes et ses habitants tués, noyés, dispersés ! En admettant, comme l’affirment certains historiens, que le comte de Charolais n’ait pas commandé l’incendie, il faut néanmoins attribuer à lui seul le sac de la ville, son anéantissement et la dispersion de ses habitants.
L’année suivante, Philippe le Bon fut, à Bruges, frappé d’apoplexie ; Charles, qui était à Gand, s’empresse d’accourir (15 juin 1467) ; lorsqu’il arrive, il trouve le vieux duc presque sans connaissance. Il se jette à genoux en pleurant. « Mon père, dit-il, donnez-moi votre bénédiction et, si je vous ai offensé, pardonnez-moi. » Le moribond tourna les yeux vers son fils et expira. La douleur de Charles fut profonde et sincère. « Il criait, pleurait, tordait ses mains, dit un chro-