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pas être long. Vers 1640, Breuché eut le malheur d’encourir les soupçons du cardinal de Richelieu; on l’accusait d’intrigues et d’intelligences secrètes avec la princesse Henriette de Lorraine, sœur de la duchesse d’Orléans. Il dut quitter la France et vint se réfugier dans le pays de Liége et se fixa d’abord à Villers-le-Temple, en Condroz, siége d’une commanderie de l’ordre de Malte, ordre auquel il était affilié, qui le prit sous sa protection, et le pourvut, en 1641, de la cure des deux Flémalles, près de Liége.

Pour tromper les ennuis qui l’assiégeaient dans cette retraite, Breuché célébra les beaux rivages de la Meuse dans des pastorales où la réforme poétique, accomplie par Malherbe, reçoit sa première application en Belgique. Mais sa prose, écrite avant les chefs-d’œuvre de Pascal, est beaucoup plus remarquable encore; son mérite est d’autant plus grand que, dépourvu de modèles, il dut se frayer la voie. Plus d’un quart de siècle avant Bourdaloue, Bossuet et Fléchier, il produisit des œuvres qui font pressentir ces grands orateurs. Ses occupations littéraires ne suffisaient cependant pas à son activité, il établit chez lui un pensionnat de jeunes gens de familles nobles, auquel il donna le titre d’Académie de Flémalle. Il fut troublé dans ces utiles travaux par un hobereau du voisinage, nommé De Palante, qui, en 1657, lui chercha querelle et vint même assiéger sa maison; mais Breuché, en sa qualité de curé de la commune, s’adressa à la haute justice de Liége, qui lui accorda sauvegarde et protection.

Après avoir exercé pendant vingt ans les fonctions de pasteur, Breuché les résigna, pour cause de santé, dans les mains de Nicolas Heurkin, moyennant une pension vingère de cinquante ducats. Il est établi par un certificat que lui accorda, sous la date du 28 décembre 1661, le prince-évêque de Liége, Maximilién-Henri de Bavière, que Breuché « désirait se retirer en France pour quelque temps. » En effet, il était rentré en grâce auprès de la cour de France, et nous lui voyons dès l’année 1657, prendre les titres de conseiller et anmônier du roi très-chrétien. À partir de cette époque, toute trace de son existence nous échappe et il est probable qu’il mourut peu de temps après avoir quitté notre pays.

Si, comme il y a toute apparence, Breuché n’est pas né sous le ciel de la Belgique, ce pays n’en a pas moins le droit de revendiquer une part dans la gloire qui rejaillit de ses œuvres : celles-ci ont été, sans exception, publiées à Liége, et ses beaux vers lui ont été inspirés par les bords ravissants de la Meuse. D’après le certificat qui vient d’être cité, il paraît, en outre, positif que Breuché a joué un certain rôle politique dans la principauté de Liége. Maximilien-Henri constate le zèle très-ardent qu’il a toujours eu pour son service et celui de ses États, « comme il a paru aux occasions où il a esté employé. »

Voici la liste des productions littéraires de Breuché : 1° La Vierge souffrante au pié de la croix. Liége, Léonard Streel, 1641, pet. in—4° de 160 pages. — 2° Prières pour les associés en la confrairie de Notre-Dame des Sept Douleurs, en l’église parochiale de Saint-Martin-en-Isle, à Liége. Liége, L. Streel, 1641, pet. in-4o de 38 pages. — 3° De la tranquillité du sage ministre d’Estat, dans les affaires et dans la disgrace. Dialogue. Liége, Jean Tournay, 1641, pet. in-4o de 116 pages. Cet ouvrage eut l’honneur d’être réimprimé deux fois par les Elzevier, sous ce titre : Entretiens du sage ministre d’Estat sur l’égalité de sa conduite en faveur et en disgrace. Leiden, chez les Elzevier, 1645 et 1652; pet. in-12. — 4° Le divertissement d’Ergaste. Liége, Bauduin Bronckart, 1642, in-16 de 71 feuillets non chiffrés, recueil en prose et en vers, contenant pour la première fois, Le malheureux content, poëme le plus important de Breuché. — 5° Paraphrase sur le tableau de Michel-Ange du Dernier jugement. Liége, chez Bronckart, 1644, pet. in-4o de 146 pages. Ce livre est le chef-d’œuvre de Breuché. — 6° L’Académie de Flémal au pays de Liege, établie par le sieur Edmond Breuché de la Croix, etc., etc. Liége, B. Bronckart, 1653. très-pet. in-8o de 142 feuillets