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tait acquise à Rome, il vit bientôt ses ateliers remplis et c’était à qui deviendrait son élève ou lui commanderait un tableau. Son esprit sérieux, son expérience, ses fortes études firent de lui un maître excellent ; il entoura ses élèves des plus beaux modèles classiques, et fit les efforts les plus louables pour les ramener à la route oubliée depuis longtemps, celle du goût pur et de l’instruction profonde. Nous citerons ici textuellement les détails extraits de Malvasia par M. Édouard Fétis, qui a publié, dans les Bulletins de l’Académie royale de Belgique, une excellente notice sur Calvaert à laquelle nous empruntons la plupart des détails concernant cette glorieuse individualité belge. « Il employait les intervalles des heures de travail à faire à ses disciples des lectures sur la perspective et l’anatomie qu’il connaissait parfaitement. Les jours de fête, il les conduisait dans la campagne, et, tout en se mêlant à leurs jeux, fixait leur attention sur les beautés de la nature dont il leur apprenait à voir les détails qui échappent aux observateurs superficiels. »

C’est ainsi que dans un siècle où la décadence artistique menaçait gravement d’aller toujours croissant en Italie, notre compatriote sut comprendre les besoins de l’école dont il s’était fait l’initiateur ; en général, on refuse le nom de génie à cette intuition qui devine le talent. Certes Calvaert, comme exécution, n’a pas su atteindre la première place, sauf toutefois dans ses dessins, mais il a donné à d’autres ce qui lui manquait, il a réformé l’enseignement faux qui s’était introduit dans les ateliers ; il a ramené le goût vers les beautés antiques et celles de la nature tout à la fois ; la vérité fut par lui remise en honneur. Lanzi nous raconte qu’il forma « jusqu’à cent trente-sept professeurs de peinture parmi lesquels plusieurs excellèrent dans leur art. » C’est sur le plan de son école que les Carrache fondèrent leur célèbre académie degl’ Incamminati, où vinrent achever leurs études les trois illustres maîtres enseignés d’abord par Calvaert et qui suffiraient à sa gloire, le Guide, le Dominiquin et l’Albane. Comme historien impartial, il nous faut ajouter à regret que quelques défauts de caractère jetaient parfois une ombre sur le mérite de Calvaert : on l’accuse d’avoir été avare, violent et emporté jusqu’à frapper l’élève qui ne comprenait pas rapidement ses démonstrations. Nous ne pouvons que condamner une pareille erreur ; mais, d’après ce que Malvasia nous assure, c’est le maître lui-même qui se condamnait le premier et ses regrets étaient si vifs qu’il demandait pardon, les larmes aux yeux, à ceux que sa violence avait offensés. Et à côté de ce défaut que de qualités venaient le faire oublier. Son zèle ne connaissait pas de bornes, sa loyauté était proverbiale et rien n’égalait sa franchise. Si le Dominiquin paraît avoir eu à se plaindre de lui, par contre le Guide n’oublia jamais ce qu’il devait à ses leçons et ne se fit pas faute de le publier partout. Calvaert atteignit paisiblement une vieillesse avancée. Il mourut à Bologne, après avoir, jusqu’à la fin, soutenu sa réputation dans le monde artistique qui l’entourait. Une preuve sérieuse qu’il en fut ainsi est le titre de juge et censeur de l’académie des Carrache qui lui fut spontanément décerné par ses rivaux ; tous, quoi qu’on eu ait dit, rendaient hommage à son talent et ses funérailles furent célébrées avec beaucoup d’éclat. Louis Carrache y assista à la tête de sa célèbre académie. Sur un pilier de l’église où se trouvait son tombeau, un de ses admirateurs, le comte Fantuzzi, fit placer l’inscription suivante :

D. O. M.

DIONYSIO CALVART
CIVI ANTVERPIENSI
PICTORI CELEBERRIMO
CUJUS PROESTANTIÆ IN TERRIS
ET PROBITAS VITÆ IN COELO
EUM ETERNANT
OBIIT DIE XVI
KALEND. APRIL.

ANNO MDCXIX.

En 1832, cette inscription fut retrouvée par le marquis Bolognini, président de l’Académie des Beaux-Arts de Bologne et descendant du protecteur de Calvaert. Elle fut, par ses soins, replacée et surmontée du portrait du peintre. L’Italie a prouvé plus d’une fois l’estime