Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puissantes familles de cette ville, les Bolognini, qui mirent tout en œuvre pour le retenir. Grâce aux avantages magnifiques qui lui furent offerts, on réussit à le décider. Un logement dans le palais, sa place à table, une liberté illimitée dans l’emploi de son temps, et, en retour, aucune exigence, si ce n’est, dit-on, de récréer parfois les oreilles du chef de la famille par les accords du luth dont Calvaert jouait à ravir. Ce n’était là qu’un plaisir de plus pour le jeune artiste. Ainsi favorisé par le sort et en ayant déjà vu assez pour sentir qu’il ferait autre chose et mieux que des paysages, il chercha autour de lui un maître pour le guider dans la voie de la peinture historique. C’était une époque de décadence comme on le sait; les grands noms du passé n’étaient plus qu’un souvenir et les Carrache n’avaient point encore paru. Un bon élève du Francia se trouvait alors à Bologne. Prosper Fontana (c’est son nom) aurait pu égaler et même surpasser son maître s’il n’avait été une espèce de Fa presto avide de gagner beaucoup afin de satisfaire les besoins dévorants de son luxe. Esprit distingué du reste, savant, inventif, excellent praticien, il ne fut point, en égard à l’époque, un mauvais maître pour Calvaert; il lui conseilla de s’adonner exclusivement à perfectionner son dessin d’après les admirables modèles antiques qui l’entouraient. C’est ce que fit le jeune flamand et il s’en trouva bien; plus tard, il reprit ses pinceaux et put encore, grâce à ses protecteurs, avoir accès dans les plus riches galeries afin d’en copier les chefs-d’œuvre. Un nouvel astre se levait à Bologne, c’était Lorenzo Sabattini, doué de qualités supérieures et qui s’était placé tout d’un coup au premier rang des artistes. Calvaert quitta Fontana pour entrer dans l’atelier de Sabattini où il apprit la correction, la noblesse et l’harmonie. Le maître eut vite remarqué le mérite transcendant de son nouvel élève et il s’en fit aider de préférence aux autres jeunes gens appartenant à son école. L’occasion se présenta bientôt de mieux utiliser cette collaboration. Grégoire XIII venait d’être élevé au pontificat; il était Bolonais et n’avait pas oublié son admiration pour les travaux de Sabattini. Il appela celui-ci à Rome et Calvaert fut invité par son maître à l’accompagner. Quelque regret qu’il eût de quitter Bologne et ses protecteurs, la raison lui disait de ne point laisser échapper l’occasion de continuer ses études et de voir la ville artistique par excellence. Il accepta donc et fut employé aux travaux du Vatican dont Sabattini avait reçu la direction. Son talent lui valut même les propositions de Marc de Faënza qui voulut l’enlever à son maître; mais l’artiste flamand, aussi loyal que dévoué, ne se laissa point tenter, ce dont Sabattini lui sut gré. Aussi, lorsque le jeune homme, sentant qu’il pouvait voler de ses propres ailes, vint lui dire sa détermination de retourner à Bologne, fut-il parfaitement accueilli et encouragé par son maître. Calvaert avait mis le temps à profit : en prenant des croquis de toutes les œuvres immortelles qu’il avait sous les yeux, il avait acquis dans le dessin une supériorité hors ligne. On cite un de ses dessins de l’École d’Athènes acheté par le cardinal d’Este, célèbre amateur, comme étant de Raphaël. C’est dans une audience que lui accorda ce personnage que Calvaert reconnut lui-même son travail. Sabattini, l’introducteur du jeune peintre, jouit complètement du triomphe de son élève et ne voulut point lui laisser quitter Rome sans le présenter au pape. Cette audience fut, paraît-il, un sujet de grande intimidation pour le jeune homme qui égaya Grégoire XIII par sa simplicité et son naïf embarras. Sollicité par le Souverain Pontife de lui demander une grâce quelconque, il répondit : Non altra che dessere lasciato andar via (Pas d’autre que de pouvoir m’en aller) A coup sûr, ce n’était pas être très-exigeant et le sourire avec lequel sa requête fut accueillie s’explique suffisamment.

Ici commence une époque mémorable dans la carrière de Calvaert. Le palais des Bolognini devint de nouveau sa résidence, et, qui plus est, on lui permit d’y ouvrir l’école qu’il aspirait à fonder. Il n’avait plus de concurrent sérieux à craindre : précédé de la réputation qu’il s’é-