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cabinet public d’histoire naturelle, mais encore il indiqua la nécessité d’un enseignement public. Il faut, disait-il, des collections d’histoire naturelle et des chaires qui vulgariseront la science de la nature. Il est probable que c’est grâce à son initiative, que ce vœu a été exaucé, en partie, puisque le Musée royal actuel a eu pour germe le cabinet du prince Charles de Lorraine et qu’il renferme encore aujourd’hui plusieurs objets qui datent de cette époque.

La partie la plus importante de l’Oryctographie est celle qui traite des débris animaux. « Nos fossiles du règne animal se réduisent, dit-il, aux poissons de mer[1], à leurs denis et autres parties détachées, aux tortues[2], aux crustacées, aux productions polypières, aux étoiles de mer, aux oursins et aux coquilles. » Si le sens qu’il donne au mot fossile n’est pas celui qu’on lui donne aujourd’hui, au moins ses idées sont claires à ce sujet; tout ce que renferme la terre est fossile pour lui, comme pour ses contemporains; tout ce qui vient originairement d’un animal ou d’un végénal appartient aux fossiles accidentels. Le chapitre xvi traite de l’origine de ces derniers et nous y trouvons ce passage remarquable, que l’on pourrait croire extrait d’un ouvrage de paléontologie moderne : « Tous ces corps marins fossiles furent jadis les habitants des mers et ceux dont les caractères sont assez distincts trouvent leurs formes analogues dans les animaux qui peuplent aujourd’hui la zone torride. » On ne s’exprimerait ni mieux ni autrement aujourd’hui. « Les bois mêmes, dit-il, que nous trouvons ici, prouvent par les espèces de tarets qui les occupent, et par les fruits, tels que les noix de cocos qui les accompagnent, qu’ils ne sont nullement originaires de nos climats. » Il va même plus loin et devine ce que les faits révélèrent seulement longtemps après. « Qui sait, dit-il, si aucun de nos cocos fossiles appartient réellement aux espèces aujourd’hui vivantes. » Voilà donc la question des espèces perdues clairement posée! Cette grande pensée, un des plus glorieux titres de Cuvier, avait donc été nettement exprimée longtemps avant que les faits n’en eussent révélé la justesse.

Burtin a fait figurer aussi dans son ouvrage une hache de pierre polie, dont il apprécie parfaitement l’importance, et qu’il dit avoir été trouvée dans la même couche de sable qui renferme la noix de coco. Ce passage fait apprécier l’état des connaissances géologiques et l’idée que l’on avait, à cette époque, de l’ancienneté relative des couches à fossiles. On voit que les silex ouvrés, qui occupent actuellement les savants de tous les pays, ne lui étaient pas inconnus. A propos d’une de ces haches qui, disait-on, avait été trouvée par des ouvriers dans la carrière du Moulin au Loo, sous trois couches de moellons, il fait remarquer, que le recueil des merveilles qu’on a écrites sur ces pierres, formerait un gros volume et quoique tous les savants soient aujourd’hui d’accord sur leur origine, le peuple, surtout dans le Nord, reste encore inébranlable dans l’opinion, qu’elles doivent leur naissance au tonnerre ou à la foudre. Le fait est que les sauvages de tous les pays, où l’usage du fer est inconnu, remplacent en quelque façon ce métal nécessaire, par des pierres qu’ils façonnent selon leurs besoins. « Il est d’ailleurs attesté, ajoute-t-il, que les sauvages savent ainsi préparer non-seulement des armes offensives, mais aussi des instruments propres à couper et à façonner le bois. » On a de la peine à croire que ces pensées soient sorties de la plume d’un naturaliste qui vivait, il y a trois quarts de siècle. Burtin ne s’exprime pas d’une manière moins remarquable en parlant de l’origine de la tourbe. « ... Les coquilles terrestres et fluviatiles, les parties des quadrupèdes semblables à ceux qui habitent encore aujourd’hui l’Europe, les herbes que l’on peut reconnaître dans certaines tourbes et qui sont toutes indigènes, surtout le

  1. Les planches 3 et 4 représentent le Zeus auratus d’après Lyell. Il a été retrouvé dans le calcaire grossier des environs de Paris.
  2. Lyell (Mém. terr. tesl., p. 99) dit que cette tortue (Emyde de Cuvier) ou plutôt le moule de la surface interne de la carapace a été montrée à R. Owen, mais comme il n’y a pas de traces de partie externe, l’espèce n’a pu être déterminée. On peut cependant déclarer, ajoute-t-il, que c’est une Emyde d’eau douce ou d’estuaire.