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rang de ceux-ci, à gauche, ou remarque l’abbé Charles Coguin, qui gouverna le monastère de 1511 à 1546, et qui fit exécuter le rétable.

Rien ne saurait donner une idée de ce magnifique ensemble, qu’on peut sans hésitation ranger parmi les œvres capitales de notre ancienne école. Grandeur et variété sans confusion dans la composition, perfection dans l’exécution, délicatesse de dessin, vigueur de coloris, toutes ces qualités réunies dans la polyptyque d’Anchin, placent Bellegambe au rang des meilleurs peintres. Les scènes si variées qui sont reproduites dans ce tableau s’encadrent dans une ornementation architecturale de la plus grande richesse, ornementation qui reporte immédiatement la pensée sur la manière de Jean Mabuse ou Gossart, de Maubeuge. La prédilection que le peintre y accorde au style de la renaissance atteste qu’il avait vu l’Italie et étudié les monuments dans lesquels revivait alors l’art antique.

Après avoir longtemps orné l’abbaye d’Anchin, à laquelle il coûta une somme incroyable, selon l’expression de l’ancien chroniqueur De Bar, le rétable fut déposé pendant la révolution française, au musée de Douai, d’où il sortit mutilé, aliéné à vil prix. Racheté par le docteur Escalier, qui en réunit les diverses parties, il fut légué, le 15 février 1857, à l’église Notre-Dame, où il attend, dans la sacristie, l’achèvement de la chapelle que l’on compte élever pour le recevoir. Après avoir été attribué à Memlinc, on l’avait, avec des motifs plus sérieux, signalé comme sorti du pinceau de Mabuse, lorsqu’un manuscrit de la Bibliothèque royale de Bruxelles, manuscrit rédigé en l’an 1600, dans l’abbaye même d’Anchin, fournit le passage suivant, qui lève tous les doutes à l’égard de la paternité du retable : « Les plus excellentes peintures sont de la table du grand autel à doubles feuilliets (ou volets), pincturé par l’excellent paintre Belgambe, qu’y a paint aussy la table de la chapelle Saint-Maurice et plusieurs tableaux. »

Le musée de Douai conserve deux volets d’un triptyque, dont la partie centrale est perdue. Ce triptyque était consacré au dogme de l’Immaculée Conception, dont les apologistes et les défenseurs figurent sur ces volets : à droite, un pape (Sixte IV, sans doute) accompagné de saints ; à gauche, des docteurs, des religieux, un magistrat. Sur les faces extérieures sont peints, en grisaille, des épisodes de la vie des parents de la Vierge et les armoiries de la famille Pottier, de Douai.

Ces volets, qui proviennent du couvent des Récollets wallons, de Douai, offrent de nombreux points de ressemblance avec le retable d’Anchin et, en effet, ce fut Jean Bellegambe qui les peignit, en 1526, à la demande de Jean Pottier et de sa femme Marguerite Muret, pour répondre au vœu manifesté par la fille de ceux-ci, Marguerite, au moment où elle allait expirer, le 14 avril 1521. C’est ce que nous apprennent les vers suivants, qui étaient placés au bas du tableau, et que M. Félix Brassart a recueillis dans une chronique manuscrite du couvent des Récollets conservée à la Bibliothèque impériale de Paris :

De ung bon vouloir Jean Potier l’aisné
Et sa femme nommée Marguerite
Muret ont cy cette table douné.
En laquelle est subtilement descripte,
La très-pure et digne conception
De Marie royne de Sion.
Quant à l’ouvrier qui voelle cognoitre l’homme,
Jehan Bellegambe pour vrai se nomme
Et le acheva pour estre en ce lieu mise
L’an XVe vingt-six par devise.
Chinq ans devant ce nombre de an prédict,
En avril la quatorzième journée,
Marguerite Pottier fut par mort ajornée
Et gist devant le autel de Notre-Dame ;
Laquelle pour le salut de son àme
Ains que morir feict requete loable,
A son père que du don amable,
Que avoir debvoit pour le sien mariage,
Fut emploié à faire ceste ouvrage.

Au couvent des Dominicains on remarquait un tableau représentant la mort et les miracles du fondateur de cet ordre, tableau qui fut commandé à Bellegambe, par Marguerite Oudart, morte en 1544, et qui était destiné à décorer la tombe de son mari, Thomas de la Papoire, maître des requêtes, décédé en 1533.

Comme on le voit, Bellegambe avait orné de ses œuvres presque tous les édifices civils et religieux de Douai. La meilleure preuve de la réputation qu’elles