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jeu des muscles, leur corrélation avec les mouvements, toute la sublime harmonie du corps humain. Son intelligence, son âme tout entière s’épanchaient dans ses leçons; il aimait ceux qu’il instruisait, mais ceux-ci le lui rendaient avec usure; aussi lui a-t-on entendu dire en parlant de ces heureuses années : « Je n’aurais pas échangé ma place de professeur contre un trône de roi. » Empruntons quelques lignes à l’un de ses plus illustres élèves, elles prouveront à quel point l’on aimait et l’on admirait le vieux maître.

« Van Brée était la lumière, le rayon de soleil qui, à chacune de ces âmes pleines de séve et d’avenir, distribuait sa part de feu sacré.

La main suivait la pensée, la parôle suivait la main. La voix allait toujours, expliquait, citait, prouvait, appuyait d’exemples. Devant ce spectacle étonnant, instructif, les yeux attentifs, immobiles, se troublaient, et cependant ou comprenait, on devenait anatomiste... Dans l’histoire, la composition, la perspective, la philosophie pittoresque, dans une leçon qui embrassait à la fois tout ce qui constitue les beaux-arts, c’était toujours savant, profond, persuasif, prompt comme la pensée. C’était le professeur-type, qui créa une académie-type. » Ainsi s’exprimait Wiertz en parlant de son vénéré maître.

Les honneurs et les distinctions ne manquèrent point à Van Brée; il fut membre de plusieurs académies et décoré des principaux ordres de l’Europe. Ses tableaux, quoique ne constituant pas son vrai titre à la gloire, portent cependant l’empreinte d’un progrès véritable; ils sont comme un trait d’union entre le système académique de David et les allures libres et franches du naturalisme moderne. Van Brée avait le don de l’invention, il composait avec science, il avait le sentiment de la grandeur des lignes; il groupait habilement ses personnages; mais son énergie était nulle, et, en voulant achever ses tableaux, il arrivait à la raideur et à la convention. A un dessin pur, sage, correct, s’appliquait un coloris dépourvu de vigueur, fade, mais harmonieux. Le goût de ses compositions est empreint de celui de son époque; mais parfois on sent le maître, on devine ce qu’il aurait fait s’il avait pu vivre quelques années plus tard; il y a çà et là des éclairs. Là où brillait toute sa science, c’est dans ses dessins; quelle finesse d’observation, quelle pureté, quelle exactitude! N’oublions pas ses petites études peintes, un doigt, un torse, un pied, un œil, une tête, des riens qu’on s’arrache et qui acquièrent chaque jour une valeur plus considérable. Habile à manier l’ébauchoir, il fit plusieurs bustes qui trahissent l’homme de talent; on cite celui de Rubens que possède l’Académie d’Anvers, et, à ce propos, on rappelle qu’il fut l’un des premiers promoteurs du monument destiné à glorifier l’illustre maître.

Parmi les toiles de Van Brée, citons la Mort de Caton, la Mort de Rubens, au Musée d’Anvers ; le portrait du Pape Pie VII, au Vatican ; Le prince d’Orange et les factieux de Gand, à Gand ; le portrait en pied de Guillaume Ier roi des Pays-Bas, au Musée de Bruxelles ; Entrée du premier consul à Anvers, à Versailles; la Mort du comte d’Egmont, et Le prince d’Orange visitant les inondés de 1825, tous deux à Haarlem ; des grisailles à la cathédrale d’Anvers, etc.

Les funérailles du peintre furent honorées par la présence de toute une population, qui voulait rendre un dernier hommage au savant, au célèbre professeur, au régénérateur de l’école, enfin à celui qui s’était efforcé de restituer son ancien lustre à la métropole artistique; on venait aussi donner de sincères regrets à l’homme de bien dont la carrière ne fut qu’un long dévouement pour les jeunes gens qui l’entouraient, pour l’art qui était son idole, pour son pays dont il voulait la grandeur. Il fut enterré à Saint-Willebrord, faubourg d’Anvers, et, en août 1852, on inaugurait solennellement sa statue; c’est la dernière œuvre du sculpteur Jean-Baptiste De Cuyper, mort en avril de la même année.

Van Brée a lithographié, gravé et composé un dessin de monument; on con-