Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/454

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

habitait dans la Kruysstrate, près de la Maison des Orphelins, et il y peignit, notamment, l’Histoire de saint Bavon, tableau qui ornait le couvent des chanoines réguliers et offrait la représentation de plusieurs sites des environs de la ville. On peut encore lui attribuer le Saint Christophe, qui fut exécuté, en 1428, pour l’église de Sainte-Ursule, de Delft, par un peintre nommé Thierri.

Vers l’année 1445, Bouts alla habiter Louvain. Il paraît y être arrivé dans un état plus voisin de la gêne que de l’aisance car, dans une phrase de son testament, il ne mentionne comme provenant de ses parents qu’une tasse ou gobelet d’argent, qu’il légua à ses iils et qui avait sans doute été emporté par lui dans ses voyages. Il conquit bientôt une position honorable, en s’alliant avec une riche famille de la bourgeoisie : les Vander Bruggen dits Mettengelde. Sa femme, Catherine, fille de Henri Vander Bruggen et de Catherine van Dieven, ayant perdu ses parents, partagea leur patrimoine avec son frère et sa sœur, le 17 décembre 1460, et eut dans son lot une grande maison située rue des Frères Mineurs (aujourd’hui des Récollets) et dont remplacement est occupé, depuis l’année 1865, par une église d’architecture romane, que la Compagnie de Jésus a fait bâtir.

C’est là que Thierri exécuta les quatre tableaux qui nous sont restés de lui. C’est là aussi qu’il peignit ce triptyque offrant l’effigie du Sauveur et celles de saint Pierre et de saint Paul, avec une inscription latine dont Van Mander nous a conservé le sens : « L’an du Seigneur 1462, Thierri, né à Harlem, m’a fait à Louvain. Puisse-t-il obtenir le repos éternel. » Bouts exécuta ensuite le Martyre de saint Erasme et la Cène, que l’on admire encore dans l’église Saint- Pierre. L’œil exercé d’un marchand, M. Nieuwenhuys, y reconnut l’une des productions de Bouts, longtemps avant que l’on ne trouvât la quittance donnée, en 1468, à la confrérie du Saint-Sacrement, pour la Cène, par le peintre, qui la signe : Dieric Bouts. Cette Cène était jadis garnie de quatre volets, dont deux, La première célébration de la Pâque et Le prophète Élie nourri par un ange dans le désert, se trouvent au Musée de Berlin, et dont les deux autres : Abraham et Melchisedech et les Juifs recueillant la manne, appartiennent à la Pinacothèque de Munich.

Les magistrats de Louvain, après avoir conféré à Bouts le titre de peintre de la commune, lui commandèrent, le 20 mai 1468 et pour la somme de cinq cents florins deux peintures, dont la première devait se composer de quatre parties, de vingt-six pieds de long sur douze de large, et dont la dernière représentait le Jugement dernier et formait un triptyque de six pieds de haut sur quatre de large. Cette seconde production, qui fut achevée en 1472, a disparu. Quant à la première, Thierri n’en exécuta que la moitié environ. Elle fut commencée en 1470 et, pendant qu’il y travaillait, l’artiste reçut la visite des magistrats de Louvain qui lui offrirent, en témoignage de leur satisfaction, un cadeau en vin de la valeur de quatre-vingt-seize placques. A sa mort, le grand polyptyque n’était pas terminé;en 1480, la ville, voulant savoir ce qu’elle devait aux fils de l’artiste, fit venir du couvent de Rouge-Cloître « un des peintres les plus notables du pays, » Hugues Vander Goes. Après un examen attentif, cet artiste décida que la ville était tenue de payer trois cent six florins et trente-six placques pour le Jugement dernier et pour les deux fractions, l’une terminée, l’autre presque achevée, de la grande composition.

Après avoir longtemps orné l’hôtel de ville de Louvain, les deux tableaux furent vendus en 1827, au roi des Pays-Bas, pour la somme de dix mille florins. Rachetés par le gouvernement belge, en janvier 1861, pour vingt-huit mille francs, ils forment aujourd’hui l’un des plus beaux ornements de la galerie dite gothique au Musée de Bruxelles. On y voit :sur le premier tableau, l’exécution d’un comte injustement accusé par la (prétendue) femme de l’empereur Othon; sur le second, la veuve de ce malheureux demandant justice à l’empereur.

Devenu veuf vers 1472, Thierri se remaria à une bouchère, Élisabeth van