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marche au mois de mars 1097, entra en Bithinie, s’empara de Nicomédie, arriva dans le meilleur ordre en vue de Nicée, le 5 mai, et investit cette place que défendaient une double enceinte et une garnison nombreuse. Dès le début des travaux de siége, les chrétiens furent attaqués par le sultan David, à la tête d’une formidable armée sarrasine (14 mai). Après une bataille meurtrière qui dura deux jours, la victoire resta aux croisés, grâce aux sages dispositions et à la bravoure de Godefroid, dont le nom, à partir de ce jour, devint la terreur de l’Orient. Son adresse et son sang-froid avaient fait l’admiration des deux camps: du pied des murailles il avait frappé au cœur, avec une flèche, un Sarrasin qui du haut des remparts jetait la confusion parmi les assaillants par sa force et par son audace.

Après un siége de plus de six semaines et lorsque les croisés se croyaient à la veille de triompher de la résistance des assiégés, la ville se rendit par trahison à l’empereur Alexis (20 juin). L’armée des croisés vit dans cet acte une perfidie de la part de l’empereur grec et elle ne dissimula pas son mécontentement; on craignit même de voir se reproduire les démêlés sanglants qu’on avait eu à déplorer quelques mois auparavant dans la Thrace; heureusement l’armée chrétienne s’éloigna; mais Godefroid voulut répondre à un trait de perfidie en gardant fièrement la foi due au serment et il prit possession de la ville au nom de l’empereur. Après s’être reposée pendant quelque temps dans le voisinage de Nicée, l’armée se mit en marche vers la Syrie et vers la Palestine (25 juin). Une des colonnes qui avaient pénétré en Phrygie fut tout à coup assaillie, dans la vallée de Gorgoni, par une nuée de cavaliers sarrassins (1er juillet). Sa destruction complète semblait inévitable; elle y échappa par l’arrivée inopinée de Godefroid qui, averti du danger immense que couraient ses compagnons, avait devancé la seconde colonne entraînant avec lui sa cavalerie seulement. Son arrivée rendit la confiance et l’audace aux croisés et fut le signal de la victoire : « Les bataillons musulmans qui reçurent la première attaque du duc Godefroid, dit le chroniqueur Robert le Moine, qui assistait à ce combat, purent croire que la foudre tombait au milieu d’eux. » Un affreux massacre s’ensuivit; plus de vingt mille musulmans furent tués; les croisés, de leur côté, eurent quatre mille morts, mais les chemins de l’Asie Mineure leur étaient désormais ouverts.

On eut bientôt à lutter contre un autre ennemi non moins terrible que les Turcs. Le sultan de Nicée avait dévasté tout le pays, de sorte que la faim et la soif firent d’horribles ravages dans les rangs des chrétiens qui perdirent jusqu’à cinq cents hommes par jour. Godefroid montra dans ces tristes conjonctures un dévouement, une générosité et une patience qui soutinrent le courage de ses compagnons. Enfin, après mille souffrances on atteignit Antiochette, capitale de la Pisidie, qui ouvrit ses portes sans résistance. Pendant que l’armée des croisés réparait, autour de cette ville hospitalière, les désastres de ses dernières marches, Godefroid se trouvant un jour à la chasse, rencontra un pèlerin poursuivi par un ours, d’autres disent un lion. Il terrassa cet animal féroce qui le blessa grièvement à la cuisse. Il se vit donc obligé de laisser partir l’armée sans lui. Ce fut un grand malheur, car en son absence la discorde se glissa parmi les chefs des chrétiens et l’on vit plusieurs d’entre eux abandonner momentanément la cause commune pour des intérêts particuliers. L’armée déjà réduite de moitié se dirigea en plusieurs colonnes sur Antioche. Godefroid la rejoignit le 18 octobre et trois jours après arriva avec elle sous les murs de cette immense et riche cité qui était défendue, paraît-il, par vingt mille fantassins et sept mille cavaliers. Les travaux du siége de cette place, qui, d’après ce que dit Guillaume de Tyr, « donnait frayeur à ceux qui la regardaient pour le nombre de ses amples et fortes tours que l’on y comptait jusqu’à trois cent soixante, » durèrent environ sept mois et demi. L’armée, commandée à tour de rôle par Godefroid de Bouillon, Raymond de Toulouse, Robert de Flandre, Robert de Normandie et