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ascétiques publiés en France, en Espagne, en Italie et en Allemagne.

Tous ces projets, auxquels il se vouait avec son ardeur habituelle, l’avaient mis en rapport avec une foule d’hommes distingués de son siècle. Il se préparait, sans le savoir, à l’accomplissement d’une grande et noble tâche qui allait lui être confiée par les chefs de son ordre.

Dans les longues querelles théologiques du XVIe siècle, l’hagiographie n’avait pas échappé aux critiques ardentes des partisans de la Réforme. Les Vies des saints, surchargées de fictions ridicules et parfois odieuses, avaient fourni un texte inépuisable aux railleries des adversaires du catholicisme. Voulant remédier au mal, Lipomani, Laurent Surius, Ribadineira, Hondorts, Loemmel, André Duval et beaucoup d’autres s’étaient efforcés de restituer aux textes leur pureté primitive, en élaguant les mensonges et en plaçant les faits de la tradition sous leur véritable jour. Mais ces essais, tout en produisant des résultats heureux, étaient loin encore de répondre aux exigences de la science religieuse. En 1607, un jésuite belge, résidant à Anvers, Héribert Rosweyde, très-versé dans la connaissance de l’histoire de l’Église, prit courageusement la résolution de compléter l’œuvre des écrivains dont nous venons de citer les noms. Dans un livre destiné à faire connaître les richesses hagiologiques des bibliothèques des Pays-Bas, il annonça la publication d’un énorme recueil d’Acta Sanctorum, réparti en dix-sept volumes in-folio. Avec un zèle soutenu, il mit plusieurs années à recueillir les livres et les documents indispensables; mais la mort ne lui permit pas de réaliser son dessein. Épuisé par le travail, il succomba le 5 octobre 1629[1].

Bolland, appelé à Anvers, fut chargé de poursuivre l’entreprise projetée par Rosweyde. Il accepta cette lourde succession; mais, plus prudent que son prédécesseur, dont les forces avaient été absorbées par mille soins divers, il voua désormais toute son activité intellectuelle à la composition d’une œuvre unique. Pendant les trente-quatre années qu’il vécut encore, il laissa passer bien peu de jours sans les consacrer, au moins en partie, à la publication des Acta Sanctorum.

En examinant les matériaux réunis par Rosweyde, il éprouva plus d’une déception. Les dix-sept volumes annoncés dès 1607 n’existaient qu’à l’état de projet. Pour les trois premiers on ne découvrit que les titres; pour les quatorze autres, on ne trouva que des textes et des notes à peine coordonnés. D’autres lacunes, nombreuses et importantes, se faisaient remarquer dans la collection des documents qui, pour rendre l’ouvrage instructif et complet, devaient nécessairement entrer dans son cadre.

Rosweyde, après avoir exploré les bibliothèques des monastères des Pays-Bas, s’était procuré quelques correspondants à Paris, à Cologne et à Trèves. Bolland, traitant les choses de plus haut, réclama l’assistance de toutes les maisons de son ordre en Italie, en Espagne, en Portugal, en France, en Allemagne, en Bohême et en Pologne. Partout sa demande fut accueillie avec empressement, et bientôt il compta, dans toutes les parties de l’Europe, des hommes instruits et dévoués, qui se faisaient un bonheur de concourir à l’exécution de ses desseins. Les diplômes, les chartes, les bulles, les notices abbatiales, les légendes, les procès de canonisation, les passionnaires, les offices propres, les livres et les manuscrits venaient s’accumuler dans les étroites cellules qu’on lui avait abandonnées sous les toits de la maison professe d’Anvers. Deux années suffirent pour quadrupler les matériaux primitifs. Les envois devinrent tellement fréquents que l’exécution de l’œuvre en fut momentanément entravée. Bolland n’eut pas seulement à écrire des centaines de lettres, dont quelques-unes formaient de véritables dissertations, il fut obligé de se plier au désir de plusieurs de ses correspondants, qui le priaient de revoir

  1. L’opuscule très-intéressant dans lequel Rosweyde avait annoncé son vaste projet est intitulé : Fasti Sanctorum quorum vitæ in belgicis bibliothecis manuscriptæ, item acta præsidialia SS. MM . Tharaci, Probi et Andronici, nunc primum integre edita, etc. Antv , S. Moretus, 1707, in-12.